Le groupe Pigalle viendra de nouveau rayonner au Bikini ce mercredi soir. Toulouse Blog a eu l'honneur de converser avec François Hadji-Lazaro.
Hors du temps, hors des normes, hors des étiquettes, Pigalle avec François Hadji-Lazaro revient dans les bacs et sur les routes. Pigalle, qui avait investi les rayons et les salles de concerts de 1985 a? 1999, est réapparu en 2008, (après trois albums solos de FHL) avec « Neuf & occasion », puis « Des espoirs » en 2010 avec deux tournées conséquentes dont la dernière de plus de 110 dates. Les revoilà avec un nouvel album, « T'inquiète ». Rencontre avec un Garçon Boucher qui a fait de Pigalle un groupe phare de la scène rock française et surtout qui a cassé les frontières musicales pour offrir un univers hors norme : François Hadji-Lazaro.
Revoilà Pigalle sur scène avec un nouvel album. Dans quel état d'esprit es-tu ?
Le truc assez rigolo est qu'on retrouve les adultes, après une tournée de deux ans, où on a tourné avec un spectacle pour enfant, à l'occasion de la sortie d'un livre-disque entre deux concerts adultes. Là, retour chez les gens mures, d'où l'effet bizarroïde de cette tournée et de mon esprit !
Le public est un camaïeu générationnel…un véritable plaisir quand on est sur scène ?
Beaucoup de plaisir, oui ! On a un public intemporel. Quand on a commencé, on avait un public plus vieux que nous, maintenant on a des mômes de 15 piges qui ont connu notre musique des débuts par des biais différents comme l'écoute des disques de papa ou sur internet. C'est une de nos plus grande réussite et une de nos plus grande fierté !
D'ailleurs, la scène est plus ou moins importante pour toi que le studio ?
Je ne suis pas de ce genre d'artistes qui est obsédé par la scène. J'aime bien les deux formats : la scène et le studio. J'aime le travail studio, la recherche musicale et le fait de gamberger solo sur des textes. Avoir cette solitude pour moi. Puis, la scène a ce côté plus aventureux mais tout aussi complémentaire. J'aime la confrontation au public et le fait de s'envoyer à fond avec des camarades de jeu.
Ce mercredi, Pigalle est à Toulouse, et plus précisément au Bikini. Il y a une véritable histoire d'amour avec cette scène, non ?
Oula ! On y a fait de grosses bêtises ! Puis, on adore y venir depuis l'aventure des Garçons Bouchers où c'était la seule grande salle de province à nous recevoir en grande pompe. C'est un lieu incontournable de la scène rock française. Et, on y retrouve toujours les mêmes amis sur place !
Pigalle est revenu avec un nouvelle album, « T'inquiète… », en février dernier. Soit plus de 30 ans après les débuts. C'est toujours aussi angoissant de faire un nouveau disque ?
Je ne me suis jamais réellement arrêté d'écrire. Pigalle est revenu en 2009 avec un nouvel album, puis je suis parti sur un livre-disque pour enfant. J'ai jamais perdu la main. Je ne peux pas faire autrement, ça a toujours été comme ça le long de ma carrière. Là, peut-être que ce fut différent dans l'écriture et dans le temps car j 'ai du y penser pendant la tournée pour enfant. Donc j'ai du prendre un parti plus adulte qu'avant. C'est pour ça que « T'inquiète… » semble un peu plus sombre. On conserve quand même cette pointe d'humour propre à Pigalle.
Pourquoi le titre « T'inquiète… » ? c'est une sorte d'alerte adressée à tes contemporains ?
C'est un terme généraliste assez pessimiste, je crois. Ayant des enfants, et un regard assez juste sur la société, je m'inquiète réellement pour la génération future. Puis, il y a une deuxième explication. Le « T'inquiète » ressort souvent de la bouche de mes enfants et des jeunes actuellement. Comme si il signifiait qu'ils n'étaient pas convaincus de leur futur mais tentent de se rassurer !
Il y a toujours eu cette part de pessimisme chez vous ?
Tout à fait ! Pour le label Boucherie Production, on disait qu'il était pessimiste et efficace. Mais on a toujours gardé un brin d'humour.
Et de mélancolie aussi !
Je crois que la mélancolie est la patte Pigalle. On fait de la chanson réaliste, même si le terme est un peu pompeux, et un peu mélancolique. Je suis comme ça : mélancolique et nostalgique. Et logiquement, ça traverse mes chansons. Mais on est tous comme ça ! Même les mômes quand ils rentrent de vacances, quelques mois plus tard ressentent ces émotions là. C'est peut être caricaturale, mais c'est un exemple assez fort !
Vous faites presque tout sur l'album, les textes, la musique, les instruments ou encore les arrangements. Ça vous permet ainsi de multiplier les possibilités dans la création d'un morceau ?
Oui, c'est ça ! Avec la technologie moderne, j'ai les instruments à côté et je peux y jouer directement. Je peux multiplier les expériences artistiques plus longtemps. Avant, si je voulais un violon, je devais appeler un pote à Montpellier et le faire monter sur Paris pour juste quelques lignes de musique. Là, je teste, je garde, je sauvegarde. C'est passionnant, je peux varier les atmosphères. Je pense que cet album a été plus long dans le sens où j'ai vraiment testé de multiples choses !
Comment se passe le processus créatif ?
Il y a trois formes de création artistique chez moi comme je m’ennuie assez rapidement. Soit d'abord, j'écris un texte. Soit une mélodie me vient et je travaille le reste par la suite. Enfin, la troisième solution : je crée une atmosphère, un fond sonore, sans texte ni mélodie, puis ça me parle et j'envisage un texte et la garniture par la suite !
Comment naissent les thèmes ? Sur la route ? Au contact des gens ?
En roulant, oui, sur la route pour celui là. J'ai cette capacité d'observation des architectures, des paysages, des gens, des visages, qui me permet de créer quelque chose très rapidement dans ma tête. Une sorte de capacité d'évasion à n'importe quel moment, mais quand on me parle je peux très vite être ailleurs. Laisser des gros blancs. C'est dans cette évasion, combinée à l'observation, que je tire mon inspiration. Je ne veux pas faire comme ces artistes qui collent des mots sur des faux rêves. Je veux coller un collège de mots sur les rêves. On a tous cette capacité d'imaginaire, moi j'en fait des chansons.
Après 30 ans de carrière, quel regard portes-tu sur ton aventure artistique ?
Il y a deux aspects, dont le premier est hyper positif. J'ai vraiment fait ce que j'ai envie depuis le début. J'ai eu 3 groupes, un label, j'ai fait des albums solos, des disques, j'ai essayé de bousculer les cases. Je voulais vivre de la musique et traverser la France et aller à la rencontre d'autres pays. J'y suis parvenu. Par contre, il y a un aspect négatif qui m'attriste encore aujourd'hui. Je trouve qu'on n'est pas assez reconnu du côté populaire. Je dis pas populiste, mais populaire. Je m'explique. Je ne comprend pas que des artistes nuls à chier, il faut dire les choses, soient reconnus par le système alors que nous on fait de la bonne musique, on se démarque mais la reconnaissance n'est jamais là.
L'industrie musicale a changé. L'apport d'internet est primordial pour les artistes aujourd'hui. Est-ce que cela apporte pour toi un nouveau champ des possibles artistiquement ?
J'ai été déçu par internet. J'attendais autre chose de cette avancée technologique. Je pensais que cela apporterais un aspect culturel fort. Mais, on cloisonne encore les artistes comme dans les snacks ou les disquaires. Il y a un fatalisme à classer les artistes dans des cases. J’espérais qu’internet brise les frontières des genres. L'arrivée d'internet a certes cassé la force des maisons de disques mais sans plus. Ce n'est pas encore ça. On n'a pas bousculé les étiquettes. Je suis un peu déçu. Ça n’empêche pas que les gens découvrent plein d'univers mais toujours selon des étiquettes. Internet a été créé par les gens, donc il y a un manque évident de curiosité chez mes contemporains. Et, j'en suis attristé car nous, avec Pigalle, on a toujours brisé les frontières.
Comment juges-tu d'ailleurs la nouvelle scène française actuelle ?
Je trouve que musicalement, et notamment techniquement, les jeunes ont un savoir faire indéniable. Personnellement, je viens d'une musique plus classique puis avec le punk et le rock, la musique est devenue plus spontané grâce à des fous furieux. Aujourd'hui, il manque cette spontanéité. Il y a toujours des éléments parallèles dans ce qu'on écoute avec des choses plus ou moins intéressantes. J'espère qu'il y a dans les sous sols des caves françaises de jeunes talents près à tout casser. Même le rap tourne en rond. Sans parler des chansons gnian gnian qui passent en radio. On écoute que des grosses ventes, il n 'y a jamais rien de très inventif.
Le Petit questionnaire :
Quel personnalité aimerais-tu être (vivante ou morte ) ?
Je vais prendre Rabelais. J'aime son style et c'est un bon vivant.
Avec qui aimerais-tu collaborer ?
Parfois François veut bosser avec Hadji, ou Hadji avec Lazaro, et Lazaro avec François. Je me suffit à moi même car je n'ai pas fait assez le tour.
Ton premier souvenir de scène ?
C'était un tremplin rock en banlieue. En banlieue très profonde. C'était le début de Pigalle et on affrontait des groupes déjà connus. Je peux te dire que c'était « pipi culotte ».
Ton principal trait de caractère ?
Je suis rêveur malgré des apparences inverses. Les gens estiment que les rêveurs ont un style défini et qu'avec ma gueule je ne peux pas l'être.
Ton insulte préférée ?
Ta bouche bébé ! Un truc un peu à l'ancienne comme ça !
Si t'étais un mouvement politique, tu serais…
A gauche ! J'ai été longtemps dans les jeunesses communistes, et je suis toujours proche des idées du Front de gauche. Je ne pourrais pas écrire mes chansons si je n'avais pas des idées politiques. Ça serait contradictoire.
Aujourd'hui, qu'est ce qui te rend optimiste ?
J'en sais rien, malheureusement. Tous les jours, quand je vois les infos, je m’inquiète réellement. Et je me dis, continuons à boire et à rire quand même. La vie serait trop morose.
Pour finir, que penses-tu de François Hadji Lazaro ?
Je l'aime bien, si seulement il pouvait être moins laid. La société crée des moules où les gens doivent être parfaits. Pas trop maigre, pas trop gros, pas trop petit….si comme moi, tu rentres pas dans le moule, ben tes chances s'amenuisent !