vendredi , 26 avril 2024

Interview- Suzane : « Je veux écrire des chansons et les partager avec des gens »

Ce lundi 27 septembre, Suzane présentera enfin son album Toï Toi sur la scène du Bikini de Toulouse. Rencontre.

Il a fallu patienter en raison de l’épidémie du COVID 19, mais, enfin, on pourra découvrir sur scène Suzane à Toulouse. La chance de découvrir l’album Toï Toï et sa réédition. Un disque marquant dans le paysage musical français. Des textes ciselés, un regard sur notre époque sans concession et un album généreux sans artifice. Suzane se rêvele une artiste subtile et touchante. 

Pour parler de cette date toulousaine mais aussi de son travail d’écriture, nous avons rencontré l’artiste avant Le Bikini. Rencontre. 

Ce lundi, vous êtes enfin sur la scène du Bikini après plusieurs dates reportées en raison du COVID…Dans quel état d’esprit êtes-vous avant cette date ?

Oui, un an de reports. Avouons-le, j’attend Le Bikini depuis assez longtemps. Pour Toulouse, j’en suis au stade où j’ai juste hâte. Se dire que c’est un peu le genre de soirée qu’on attend, comme quand on sait qu’il va y avoir une soirée, que ça va être sympa , qu’il va y avoir des gens cools et donc on l’attend avec impatience. C’est vrai que j’ai pu goûter au public toulousain du Bikini en étant sur la tournée du Ricard Live, mais jamais à mon nom. C’était il y a deux ans, c’était peut-être au départ du projet, donc je pense qu’il y a quelques trucs qui ont changé. J’espère que les adeptes de Toï Toï sont encore plus nombreux pour de belles retrouvailles. Toulouse, ça fait un moment qu’on l’attend donc j’espère que les Toulousains m’attendent autant que je les attends. 

La scène revêt quelque chose de particulier pour vous. Les quelques vidéos visionnées comme celle de Jack, ou on vous voit quelques minutes avant de monter sur scène, en sont les preuves. Sur celle de Jack, on dirait une sportive avant d’entrer sur le terrain. Comment se prépare t on avant un live ?

Je dirais plutôt que c’est le ring de boxe pour ma part. J’ai l’impression à chaque fois de devoir me battre contre ce trac qui paralyse parfois et qui en même temps m’est complètement utile. Si je ne l’ai pas, il manque un truc. De toute façon, je crois que ça n’est jamais arrivé depuis que je monte sur scène, j’ai toujours eu ce trac. En même temps, ce trac se transforme en énergie. Ce n’est jamais naturel quand je revois ces images du Trianon où j’entends les gens crier « Suzane, Suzane »; je ne suis pas étonnée de vouloir me mettre dans un trou de souris parce que c’est incroyable. Je ne pensais pas qu’il y aurait un truc comme ça un jour dans ma vie. Il y a des gens qui m’attendent; il y a des gens qui ont payé leur ticket pour venir me voir et ont attendu 5 annulations avant de pouvoir faire ce Trianon: il fallait que je leur donne tout. Je jouais ma vie ce soir-là, donc oui petite angoisse mais ce sont de belles angoisses. 

D’ailleurs, que représente la scène pour vous ? C’est l’endroit où vous vous sentez le mieux ou est-ce le studio ? 

C’est le Graal. Alors le studio, c’est chouette mais c’est un moment d’introspection. Très souvent, on y doute. Alors je ne dis pas qu’on ne doute pas sur scène… quoi que non en fait. Parce que quand on arrive sur scène c’est jamais avant, c’est jamais après. C’est le moment présent , et c’est vrai que c’est l’un des rares moments où j’arrive à vivre vraiment dans le présent. Les chansons en studio, on les prépare. Sur scène, on les partage. Ça a forcément une autre dimension. J’aime bien être sur les réseaux etc, il n’y a pas de souci, mais je trouve que les réseaux ce sont des chiffres, les plateformes ce sont des chiffres aussi. En live, on voit les gens, on voit des visages. On se dit « wow » il y a des familles, « wow » il y a des gens très différents : c’est fou.

Sur scène, vous revêtez une tenue pour faire face au public. Vous expliquez que c’est « une armure » pour Suzane. Est ce qu’il y a un moment où l’armure tombe et Océane prend le dessus ? 

L’armure, au début, c’était comme un système de défense, en tout cas je sais que j’ai eu besoin de cette combi pour me sentir bien , pour monter sur scène, pour affronter ce trac…C’était un élément qui me permettait de me sentir un peu plus forte que ce que je suis au quotidien dans ma vie de tous les jours. J’ai l’impression que petit à petit je m’en détache, je me dévoile un peu plus. Je reste souvent dans les mêmes codes couleurs mais il faut attendre la suite pour parler de tout ça. 

Même dans la réédition de l’album, on sent qu’Océane prend un peu plus de place: c’est un peu plus personnel. 

Un peu plus oui ! Evidemment, j’ai l’impression aussi de grandir avec mes chansons donc celles que j’ai écrites sur Toï Toï, la plupart ont 4/5 ans aujourd’hui. La réédition est plus fraîche dans le sens où je l’ai écrite il y a un an et demi.  Là,  je le vois aujourd’hui dans ce que j’écris pour la suite, ça évolue, ça change. J’ai l’impression de parler un peu plus en « Je » avec plus de facilité, m’ouvrir émotionnellement. Alors parfois on ne se rend pas compte de ce travail là. Mais, c’est vrai qu’en chanson, j’arrive un petit peu à le constater. C’est le public qui m’a donné confiance aussi. Parce que je ne pensais pas avoir un tel accueil en sortant ne serait-ce que ma première chanson, avoir cet accueil avec l’album Toï Toï, avoir cet accueil sur scène et je crois que ça m’a donné encore plus envie de me mettre dans l’inconfort sur cet aspect là de l’écriture et d’ouverture. 

Et en même temps trouver un peu de légèreté. Avez vous l’envie d’aller vers un peu plus de légèreté  comme dans la chanson La Vie Dolce ?

Ça dépend , je pense que c’est un peu comme dans la vie. Les chansons elles arrivent un peu comme ça, je ne suis pas tous les jours dans des moods où je suis soit en colère, soit angoissée. Alors c’est vrai que dans cet album il y a quand même beaucoup d’angoisses, on le sent :  je parle d’harcèlement, je parle d’homophobie, je parle de crise écologique, je parle de malheureusement tout ce qui fait mon monde et ce monde aujourd’hui. Après j’essaye aussi de trouver de la légèreté, et de la légèreté il y en a aussi parfois dans mon quotidien.  J’essaye donc de prendre ces moments-là et me dire que je ne suis pas obligée de ne prendre que des choses qui me retournent pour écrire des chansons. Je peux aussi prendre des choses agréables et écrire des chansons à partir de ça. 

D’ailleurs, comment se passe le processus créatif ? Vous écrivez tous les jours ou c’est une fermeture pendant quelques mois ? 

Franchement, je pense qu’il faudrait vraiment faire une expérience folle parce que c’est très dur de mettre des mots là-dessus. Je n’arrive pas à savoir vraiment comment je crée. J’ai l’impression que c’est dans ma vie tous les jours, matin, midi, soir. Ce sont des phrases dans la tête, des mélodies, des états. Je vois que quand j’écris je suis dans un état toujours un peu d’introspection. J’ai l’impression d’être un peu à fleur de peau. C’est particulier d’écrire un album, on a l’impression de vraiment faire un enfant pour le coup. Emotionnellement, c’est difficile car on va chercher des choses qu’on ne voulait pas forcément aller chercher. Savoir s’écouter, savoir se dire « cette chanson j’ai envie de l’écrire mais est ce que je suis prête à l’écrire». En tout cas, j’ai l’impression que c’est constant. Je crois qu’à partir du moment où on commence à écrire des chansons et à vouloir créer, ça ne s’arrête jamais : une recherche constante. 

Il n’y a pas de limites ? Dans les thématiques, dans les textes ? Des difficultés peut-être ? 

Non, il n’y a pas de limites. Après l’inspiration c’est un peu comme le bonheur, ça va, ça vient, il faut savoir le prendre au bon moment, il faut savoir être attentive aussi. Parfois, il y a le stress et les doutes qui prennent le dessus et c’est le jeu aussi. Quand je termine d’écrire une chanson, parfois , j’ai des doutes :  est-ce que je vais trouver les bons mots ? Est-ce que je vais trouver la bonne intention ? La justesse dans cette chanson ? Est-ce que moi je me sens en accord avec ce que je suis en train de raconter ? On se pose beaucoup de questions sans être tellement consciente sur le moment. Les doutes disparaissent sur la fin.  On se rend compte que quand la chanson est terminée « j’ai écrit ça, c’est fou ». Tu te poses et tu restitues la période de l’écriture pour te dire: « oui je ne suis pas étonnée d’avoir écrit ça ». En tout cas, c’est très dur à décrire . 

Et dans la façon d’écrire et de composer : c’est tout le temps ou par période ?

Je pense qu’on s’explore petit à petit. Moi, je vois, j’évolue pas mal là-dessus, au début il me fallait vraiment 4 murs, personne, limite que ce soit la nuit et que la vie se calme avant de pouvoir écrire . Aujourd’hui je vois que ma vie n’est plus du tout la même. Je passe ma vie dans des tour-bus,.. je suis toujours dans les transports, toujours dans une mobilité continue et si je veux continuer d’écrire des chansons parce que ça me fait du bien, parce que j’en ai besoin et que c’est urgent pour moi de le faire, il faut que je m’adapte à ça. Donc petit à petit je vois que limite j’écris en marchant, j’écris en parlant à des gens. Je ne suis pas forcément en train d’écrire avec un stylo et une feuille. C’est tout le temps, il se passe des trucs dans ma tête, il y a des mots qui sortent donc je prends mon Dictaphone. Puis tout peut devenir une chanson.

Donc il y aura une évolution pour le deuxième album dans la façon d’écrire ?

J’espère ! Et pour la suite aussi, toujours.

Actuellement, en plus de la tournée, il y a la préparation de nouvelles chansons?

En ce moment je suis un peu partout. J’ai un peu la tête partout dans le sens où je suis en tournée en train de défendre ce premier album que je n’ai pas forcément pu défendre pendant la période COVID donc c’est important pour moi de le faire et puis de rencontrer tous les gens qui ont soutenu cet album. A côté de ça, dès que j’ai le temps et dès que je peux, je file au studio et j’essaye d’aller cracher toutes les chansons ou les quelques idées qui me sont venues dans la tête pendant ces jours de tournée. C’est vrai que c’est un espèce de truc un peu bipolaire, je suis devant du public en train de chanter des chansons que je chante depuis déjà quelques temps et en même temps, il se passe plein de nouvelles choses dans ma tête que je ne peux pas encore partager donc j’ai vraiment hâte en fait. 

Il y a eu des collaborations aussi pendant cette période de COVID :  Grand Corps Malade et Feder. Comment travaillez-vous avec d’autres artistes ? Et pourquoi ces artistes là ? 

Pourquoi ces artistes là ? C’est vrai qu’avec les deux, il y a une vraie histoire et moi j’aime bien quand il y a une vraie histoire, que les rencontres se font assez naturellement et qu’on évite les rencontres un peu fabriquées. Feder il m’a invité à faire la première partie de son premier Olympia. C’est peut-être du hasard sur le moment mais on s’est rencontré là. Il a regardé mon show, il a beaucoup apprécié et donc derrière, on s’est dit que ce serait chouette de faire un truc ensemble. On s’était dit ça sur le moment et effectivement un an et demi après on s’est rappelé, on s’est recroisé et on l’a fait.  Avec Grand Corps Malade , c’est à peu près pareil. On s’est rencontrés sur un festival, les Francofolies de la Réunion, juste avant d’être confinés et il était en train de préparer cet album « Mesdames ». C’est son réalisateur Quentin Mosimann qui aime beaucoup ce que je fais qui lui a dit « il faut  vraiment que tu ailles écouter ce que fait Suzane » . Il a écouté et a beaucoup aimé et du coup voilà on s’est parlé et je lui ai proposé ensuite ce thème d’échanger nos sexes pendant 24H. ça l’ a fait marrer . Ce fut une rencontre tant artistique qu’humaine. Je pense que je me suis fait un copain pour longtemps. 

Vous avez dit « Maintenant je me sent bien, j’ai le sentiment d’être sur le chemin sur lequel je voulais être », est-ce que Suzane est heureuse aujourd’hui ? 

Oui, je pense que je peux dire aujourd’hui que je suis sur le chemin où je voulais être. Après, est-ce que je suis arrivée au moment où je suis heureuse ? On pourrait avoir une longue discussion sur cette question parce que est-ce qu’on est heureux au moment où on vit tout ce qu’on voulait vivre, je ne suis pas sûre, vraiment ! Je crois qu’on reste toujours insatisfait et toujours en quête du  « je peux mieux faire » et je trouve que c’est toujours intense de vivre ses rêves. Alors attention,  je ne regrette pas de pouvoir vivre ses rêves dans la vraie vie, c’est magnifique, de les ancrer dans la réalité mais c’est intense aussi et il n’y a pas qu’un aspect tout lisse, ce n’est jamais parfait comme au cinéma. Les gens qui font ça pour les mauvaises raisons, la célébrité, les likes sur Insta, ou être un peu connu… Cet aspect là de ce métier ne permet pas de tenir sur la longueur. Moi, pour le coup aujourd’hui, j’ai répondu à toutes mes questions, je crois que ce que je veux faire, c’est écrire des chansons et les partager avec des gens sur scène et ça s’arrête là. Et tant que je pourrais faire ça , oui je serais heureuse !

Et écrire pour les autres aussi ? 

Ecrire pour les autres ça pourrait me rendre heureuse aussi je pense, parce que ce serait de l’échange, ce serait des rencontres, ce serait quelque chose qui enrichirait ma vie donc oui ce serait chouette. 

Réservations pour Toulouse : www.bleucitron.net

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