vendredi , 26 avril 2024

Interview – Prattseul, toujours un peu plus loin

A la veille de son passage au Weekend des Curiosités 2023, Prattseul évoque son parcours et son futur EP en interview.

Auteur d’une première trilogie de titres en 2021, découvert aux Bars en Trans et aux Inouis du Printemps de Bourges Occitanie l’année précédente, Prattseul continue d’invoquer ses univers surréalistes, et sa pensée ironique et lucide à travers différents titres. Le toulousain est de retour en 2023 avec plusieurs titres annonciateurs d’ un EP pour la rentrée « Oiseau de nuit ».

A quelques jours de son passage au Bikini Toulouse pour le Weekend des Curiosités, il nous parle de son parcours, de son amour de la musique, de la langue française et de son futur EP.

Comment tu te sens à quelques jours d’une scène au Bikini , à la maison ?

Je me sens très excité étant donné que ça fait une bonne année que je n’ai pas joué à Toulouse, donc revenir à la maison c’est quelque chose de fort. En parallèle, le Weekend des Curiosités est un super évènement avec un joli rayonnement, un public à fond et deux soirées exceptionnelles.

Sur scène tu seras accompagné ou c’est un projet seul comme le nom Prattseul l’indique ?

Alors oui c’est un peu ambigu, c’est un peu comme Johnny Hallyday, c’est-à-dire que Prattseul c’est mon projet à moi, Prattseul c’est moi. Mais effectivement, en live on peut me retrouver sous différentes formules . Pour les Curiosités je serai accompagné de 3 musiciens, une formule groupe assez classique, avec guitare basse batterie et synthé, mais pour le côté live et le côté un peu rock que je cherche à affirmer aussi dans ma musique, c’est l’idéal de se présenter comme ça avec des musiciens.

As-tu une préférence entre être seul sur scène ou en groupe ? Ou cela dépend des atmosphères, des ambiances ?

Alors si tu m’invites à jouer chez toi dans une ambiance très intimiste, seul ça va quand même être assez idéal, par contre directement, quand on est sur du club, de la scène, être avec des musiciens il y a beaucoup plus de plaisir, de partage, d’énergie. On peut aussi donner beaucoup plus de contrastes dans les morceaux. Moi, je préfère la musique live dans ce sens-là, et moi-même en public j’aime bien voir du monde sur scène, donc clairement je préfère avec les musiciens.

Passons à la genèse de Prattseul. Comment est né le projet ?

Ça fait un peu plus de 15 ans que je fais de la musique en groupe, des concerts dans des granges, des trucs à droite à gauche, et j’ai eu plusieurs expériences. Il y a 3/4 ans, m’est venue l’envie, un peu comme quand on est colocation, de m’installer tout seul. J’ai voulu écrire mes chansons vraiment pour moi, mes histoires à moi, et ne plus forcément dépendre d’un groupe. Etre capitaine du bateau. Prattseul est né. Après le nom Prattseul n’est pas arrivé directement. Comme tu peux l’imaginer, c’est un long processus de recherche puisque ça s’est appelé Pratt93, la chouette, enfin la page Instagram a eu plein de noms avant d’être publiée et ça a commencé comme ça. C’était un projet qui était voué à rester un petit peu dans ma chambre et strictement sur internet. De fil en aiguille, j’ai été amené à jouer un peu à droite à gauche, et la curiosité d’une part du petit public que j’avais pu me créer par mon réseau et les retours que j’avais a fait que le projet a évolué petit à petit pour en être où j’en suis aujourd’hui.

Au niveau de tes influences, qu’est-ce qui te plaît ? Qu’est-ce qui t’a amené à cette musique ?

Moi je suis un très grand aficionado de rock anglais, rock des années 2000 on va dire, tout ce qui est les Strokes, les Arctic Monkeys, Kasabian, toute cette scène-là, même encore Balthazar, ce genre de truc. Donc ça c’est vraiment pour la partie justement qu’on va retrouver dans l’énergie live : c’est ça qui me fait vibrer. J’ai toujours adoré voir ce genre de live qui fait rêver un petit peu le public. Et sinon, je chante en français donc je vais m’accrocher plus à des personnages comme Serge Gainsbourg, Bashung, j’aime beaucoup aussi la nouvelle scène française. Il y a vraiment beaucoup de projets qui me plaisent énormément. Juliette Armanet, même Clara Luciani. Je vais puiser dans la scène française un peu plus Old School à la Michel Berger ce genre de truc. Donc c’est assez vaste mais ça reste quand même de la musique organique et plutôt pop/rock on va dire.

Finalement, on se pose toujours la question de « est-ce que le rock sonne bien en Français».

Exactement, c’est un grand challenge, on trouve ça forcément plus compliqué à exécuter parce que directement on a l’impression qu’en français ça peut être un peu cliché, ou mal sonner.  Je pense juste qu’il faut malaxer et chercher les mots pour faire des phrases un peu plus fines. Le processus est peut-être un peu plus long, mais effectivement il y a plein d’artistes qui ont prouvé qu’on peut faire des choses superbes et que la langue française est autant compliquée que ce qu’elle est belle quand elle est bien écrite.

« la langue française est autant compliquée que ce qu’elle est belle quand elle est bien écrite »

En parlant d’écriture, comment se passe le temps de la création chez toi ?

Il n’y a pas vraiment de recettes, d’un morceau à l’autre, ça va être très différent. Parfois, ce qu’on aimerait tous avoir tout le temps, c’est ce truc de fulgurance, où il y a trois mots et une mélodie que tu chantonnes, et à partir de là, tu commences à tirer la ficelle pour arriver à une chanson. D’autres fois c’est une boucle de synthé ou de guitare sur laquelle tu vas te casser la tête pendant des semaines, des mois pour monter petit à petit une chanson. Donc y’a pas vraiment de recette. Après, moi, je travaille souvent seul au départ sur mes maquettes, sur le texte, les mélodies et après par contre j’ai un entourage, je travaille depuis le départ avec Julien Bousquet qui est mon guitariste et aussi le réal principal de Prattseul. Il prend le relais une fois que la maquette est en place pour amener le morceau à un niveau au-dessus. Et ensuite, je travaille avec le studio et label La Tanière avec qui on va en studio et là on emmène les morceaux encore plus loin. C’est un process un peu long, mais un peu comme tout le monde, je pense qu’il y a pas vraiment de logique d’une chanson à l’autre.

Au regard du parcours, tu donnes l’impression d’aimer prendre ton temps .

Alors j’aime bien prendre le temps. Je suis tout autant frustré parfois parce que, du coup, je vais sortir mon premier EP en septembre et ça fait un petit moment qu’on a attaqué les enregistrements, je te parle pas du moment où j’ai composé certains titres, mais c’est à la fois super de pouvoir prendre son temps et de bien préparer les choses. Après c’est frustrant parce qu’on a l’impression de passer un peu la tête hors de l’eau et puis de replonger et donc de perdre le public qu’on est en train de créer ou en tout cas l’attention qu’on commence à avoir un peu sur un projet.

Vendredi dernier, tu as sorti le titre « Sous la lune ». Que peux-tu me dire de ce morceau ? Comment est-il né ?

C’est un morceau que j’ai commencé à écrire et composer en 2019. C’était en octobre je crois en rentrant de Rock en seine ( Paris). J’ai commencé cette maquette qui est restée un petit peu dans un coin pendant quelques mois. Qui était très rock, donc c’est un morceau qui est à la fois rock et électronique, il y a vraiment ces deux facettes qui sont très présentes. Et lorsque je l’ai envoyé justement à Julien avec qui je travaille, lui a commencé à ramener ce kick sur tous les temps qui ramène un truc très club. Et sur le texte, ça peut paraître assez naïf aussi comme ça, parce qu’on a un refrain, des paroles assez simples. Derrière, ça évoque mon époque au travail, en CDI. Je me sentais à la fois libre et à la fois étrangement enfermé sur plein de choses. C’était une fausse liberté que j’avais l’impression d’avoir, et donc c’est un peu ce genre de sujet que ça aborde derrière ces paroles naïves de danser sous la lune. Enfin c’est un peu cette inconscience collective qu’on a, où on se dit qu’on est libre mais qu’on est dans une prison de verre tu vois.

Autre aspect de ta musique, l’image.  Tu as réalisé déjà 3 clips sur « Enchanté », quel est ton rapport à la réalisation ?

Pour faire le lien avec ce que je te disais, étant donné que Prattseul c’était un projet dans ma chambre au tout départ, j’avais vraiment cette ambition à la fois de composer, écrire, enregistrer, me mettre au mixage, masteriser et faire des clips un peu pourris avec zéro budget et essayer de progresser à chaque fois. Donc c’est un peu comme ça que j’ai mis la main dans cette partie-là. Après j’ai toujours adoré le dessin, la bande dessinée, d’où Pratt d’Hugo Pratt . La partie graphisme, c’est quelque chose qui m’a toujours plu et c’est comme ça que j’ai commencé à réaliser. L’avantage, c’est que je réalise, enfin j’imagine aujourd’hui les clips comme je le faisais avant, et la réalisation petit à petit c’est Jérémie qui prend le relais jusqu’au jour du tournage où on fait des échanges autour de nos idées et de la réal.

« Lorsqu’on va se laisser, que chacun va rentrer chez soi, on n’est jamais vraiment sûr de se retrouver le lendemain. »

C’est aussi lui qui a fait « Mon vieil ami »?

Exactement, c’est le premier projet sur lequel on a bossé ensemble avec Jeremie, c’est « Mon vieil ami » .

Quelques mots sur ce titre qui est hyper fort et très personnel.

C’est particulier d’en parler, mais je pense que c’est bien aussi d’exprimer parfois le pourquoi du comment. J’ai perdu un de mes meilleurs potes peu de temps après le lycée, on était vraiment comme cul et chemise, on avait une bande de quatre et « mon vieil ami »… j’ai écrit ce son en pensant à lui. Je pense que peu importe les instants qu’on passe les uns avec les autres et nos proches, on oublie souvent juste de prendre le recul au moment où on partage cet instant et se dire : « je suis trop heureux d’être avec ma famille, ma petite amie, mes potes, j’en profite au max même si c’est que pour cinq minutes ». Lorsqu’on va se laisser, que chacun va rentrer chez soi, on n’est jamais vraiment sûr de se retrouver le lendemain. Enfin, c’était une manière assez légère de raconter ça, juste deux gars qui boivent un café dans un parc, l’orage arrive ils sont obligés de se séparer .

La suite, c’est la sortie de l’EP, une série de concerts pendant l’été ?

Oui alors il y a quelques concerts en juillet. En août je pars au Creativ camp au Québec donc c’est pour ça qu’il n’y aura pas de dates à ce moment-là.  En septembre du coup avec la sortie de l’EP il y aura des dates notamment que je n’ai pas encore annoncées pour défendre l’EP j’espère sur toute la France.

« la journée il peut se passer des super choses aussi. »

Peux-tu dire quelques mots sur l’EP ? Je ne sais pas si tu peux déjà en parler ?

Je pense que c’est bien aussi de commencer à donner des infos. Du coup l’EP s’appelle « L’oiseau de nuit », c’est un terme, les gens le savent ou ne le savent pas mais qui désigne justement ces gens qui errent la nuit, qui préfèrent vivre la nuit que le jour. C’est plus trop mon cas aujourd’hui, mais il s’appelle comme ça parce que toutes les chansons de cet EP ont été écrites à une période de ma vie où c’était vraiment mon mode de vie. Il y a des chansons qui s’appellent « Cache-cache », puis « Nuit blanche » ou encore « Sous la lune », la nuit est centrale. Ce sont des morceaux qui ne sont à la fois pas vraiment liés les uns les autres, même si certains ont des points communs, mais c’est toute cette période de ma vie justement avant que je me mette en couple et que je commence à grandir peut-être et me dire que la journée il peut se passer des super choses aussi.

Le travail de la voix, parfois émouvante, parfois puissante et touchante, tu la travailles différemment pour chaque morceau ? C’est un vrai instrument pour toi ?

La voix oui. Aujourd’hui c’est le cas. C’est vrai que moi quand j’ai commencé la musique je n’étais pas du tout chanteur, j’étais un guitariste et petit à petit j’ai dû m’assumer en tant que chanteur et ça a été le cas avec Prattseul. Petit à petit je prends aussi conscience de là où je peux aller et c’est vrai que sur l’EP je commence . J’ai tendance à aller vraiment vers ce côté grave, plus théâtral d’une chanson à l’autre, sur le live ça prend aussi une autre ampleur parce que je vais aller chercher des trucs un peu plus hauts, un peu plus puissants. Je pense que c’est un instrument que j’ai commencé vraiment à assumer, manipuler avec cet EP et que je ne suis pas près de lâcher parce que je pense que c’est peut-être un des instruments les plus riches qu’on ait, que ce soit rythmiquement, en termes de tonalités, d’effets.

Photo : Emma Briski (CP)

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