vendredi , 26 avril 2024

Toulouse – Interview : Perez, la pertinence des mots et la jouissance musicale !

La belle révélation Perez sera de passage par Toulouse, au Bikini, ce jeudi soir. Rencontre avec un artiste unique pour son album "Saltos".

Depuis plus d’un an, PEREZ a installé son patronyme parmi les nouvelles têtes de la scène hexagonale, à la faveur de trois EP remarqués par la critique, Cramer (sorti en 2013 sur le label D.I.R.T.Y.), Perez (2014) et Les Vacances continuent (2015). Il y affirme son penchant pour la pop électronique, héritée d’une certaine chanson française. Dans sa discothèque, les albums de Christophe et Bashung côtoient indifféremment Pulp, Suicide, ainsi que les productions des labels DFA et Kompakt. PEREZ écrit et compose aux claviers des chansons qu’il produit ou coproduit avec Jean-Louis Piérot (Daho, Bashung) ou Pierrick Devin (Cassius, Fortune) qui l’accompagnait déjà dans son précédent groupe, Adam Kesher.

Un pied dans la pop, un autre dans l’électro, PEREZ a choisi de ne pas choisir. À la manière de son titre, Saltos, qui en dit long sur ses capacités acrobatiques, l’album brasse sans œillères ses influences françaises et anglo-saxonnes, passées et contemporaines, mainstream et indie, mais d’une façon qui n’appartient qu’à lui, comme dans le titre “Une autre fois”. Rencontre avec notre coup de coeur de ce début d'année en concert ce soir à Bordeaux et demain soir à Toulouse.

La tournée reprend avec un passage à Toulouse le 11 février. Dans quel état d'esprit es-tu ?
Je suis hyper content de pouvoir défendre mon disque sur les scènes françaises. J'aime l'idée de sortir un album et de le confronter face au public, réfléchir à la forme à prendre pour la scène. L'intérêt étant de surprendre et de faire évoluer les choses. Ce ne sera pas mon premier Bikini, puisque je suis déjà passé avec Adam Kesher, mon précédent groupe, c'est donc un bonheur de revenir.

D'ailleurs sur scène tu t'entoures de musiciens ?
Je travaille avec deux musiciens pour offrir une vraie prestation live. Ça fait un petit moment qu'on travaille ensemble et on tourne depuis deux ans ensemble, aussi. L'équipe est bien rodée. Même si le projet est un projet solo, j'ai besoin d'être accompagné.

Avec un projet solo, sens-tu une différence, une angoisse nouvelle, une excitation nouvelle que tu n'avais pas en groupe ?
J'ai toujours réussi à maîtriser mon stress même si ça fait quelque chose avant de monter sur la scène, mais c'est plus de l'ordre de l'excitation. Un shoot d'adrénaline avant un live ! Après, je ne suis pas encore une méga star donc je fais toujours les même scènes de la même façon. Quand c'est un projet solo, c'est ma personne qui est mise en avant, il y a une incarnation plus notable pour le public mais rien de fondamental. Avant je pouvais me cacher derrière le groupe. Mais, encore une fois, pour ce projet, on garde la mentalité d 'un groupe. J'avais fait mes premiers concerts complètement seul, j'ai pas mal de potes qui tournent seul, mais je ne veux pas car j'aurais l'impression d'être un VRP sur la route. J'aime l'expérience de groupe, être dans le camion avec d'autres membres. En cela, il me fallait partir avec des musiciens et plus pour cette tournée.

Pour revenir aux débuts : Comment as-tu découvert la musique et comment as-tu su que c'était la direction à suivre par la suite ?
Premier truc, c'est la découverte du rock au collège, comme Oasis ou les Smashing Pumpkins. A la fin du lycée, j'ai eu un groupe de Hardrock puis de pop… Mais la musique, j'ai décidé d'en faire un métier vraiment plus tard au moment de ce projet solo. Lors d'Adam Kesher, j'étais encore qu'un étudiant. Je ne savais pas si je voulais en faire un métier. Le solo a été le déclic.

En quoi le solo a été un déclic ?
Je voulais continuer la musique car c 'est une partie inérante à ma vie depuis mes 15 ans. Je n'avais pas envie d'arrêter après Adam Kesher. Et, il me fallait une nouvelle direction . Le solo est une manière de prendre ses responsabilités et ne plus s'en remettre aux autres. Un choix radical ! Après 7 ans dans un groupe, on était plus sur la même longueur d'ondes artistiquement ou logistiquement. Je voulais être aux manettes, être responsable de la suite !

Tu as commencé par l'anglais, aujourd'hui tu écris en français comme de nombreux artistes de la pop actuelle. Pourquoi ce choix ? Est-ce naturel ?
C'est un rapport au langage qui est plus en adéquation avec ce que je veux faire. Je peux me permettre une meilleure précision dans les textes. En anglais, je me sentais un peu limité en terme d'écriture pure, même si on peut compenser avec un dico mais ça reste assez désincarné dans l'idée que je me fais de l'écriture. A la fin d'Adam Kesher, je trouvais qu'on était un peu dans l'imposture car je n'employais pas les mots de la vie. Sans oublier que l'accent est primordial en anglais. Et, ça m'énerve de ne pas maîtriser une langue dans sa globalité. Et puis notre façon d'écrire en anglais en France, ou même la façon de chanter, explique que les groupes ne sortent pas de nos frontières ou à de rares exceptions. Au bout de ça, j'ai la chance d’être dans un pays où la culture et la langue sont fortes, et l'aura est encore hyper présente à l'étranger. Donc entre ça et le fait de pouvoir mieux m'exprimer, j'ai donc choisi d'écrire en français. Par pertinence donc !

D'ailleurs as-tu des références dans la pop en France ?
Disons qu'en chanteur connu je peux citer Bashung, Daho, Christophe ou d'autre comme Chrystler ou les premiers albums de Brigitte Fontaine. J'aime bien les paroles très libres comme cette scène là dans les années 70. L’écriture était audacieuse, avec un format très littéraire dans une chanson. Le côté psyché est venu un peu plus tard, même si au départ du projet solo, je tendais plus vers ça avec une musique moderne de club.

D'ailleurs le côté Psyché des EP laisse ici place à quelques chose de plus accessible.
Il y a en effet quelques chansons psyché au début. Sur l'album, j'avais envie de faire autre chose. Faire quelque chose de plus pop. Si j'avais fait 10 chansons psyché par exemple, le tout aurait été très indigeste. J'ai donc fait le choix d'assumer 10 morceaux au format court et de travailler ainsi dans plusieurs directions en même temps. Après, je cherche dans un format établi l'étrangeté et les libertés que je peux y trouver.

Dans l'écriture justement, tu prends ton temps pour raconter des histoires, en structurant, déstructurant, en cherchant des découpes particulières. Comment se passe le processus ?
Je passe beaucoup de temps à retravailler le premier jet entre les coupages, les découpages, jusqu'à que ça me paraisse bien, sinon je recommence. Pour Rock'n'roll j'ai bossé le morceau à la guitare donc de façon plus littérale, avec plus tard un travail plus rap dans l'instru. Je trouve que les vrais rockstars actuellement sont les rappeurs. Donc je cherche les sons qui me paraissent les plus à même à servir le morceau. Quand on compose de la pop, c'est assez spontané, car on attend surtout la musique en terme d'efficacité. Je préfère de mon côté continuer dans quelque chose de plus étrange avec une mise à distance salvatrice pour mon morceau. Dans l’écriture je peux aussi prendre une phrase, la coller à une autre d'un autre morceau, ou à un truc encore plus lointain. J'aime que l'étrangeté de l’écriture se diffuse dans un morceau. Que ce soit pas complètement abstrait mais qu'au final il faille plusieurs écoutes pour prendre la pleine mesure sans pour autant la force d'une première écoute.

On peut évoquer ton écriture de façon cinématographique aussi. Parlons d'ailleurs de tes clips. Quelle est l'importance pour toi de donner un imaginaire à ta musique ?
Avant, dans le groupe, on ne voyait pas l’intérêt de faire des clips. Il y a eu un énorme changement avec Youtube. Tout le monde écoute la musique sur cette plateforme, il fallait donc fournir une image un peu pragmatique car c'est sur internet qu'on écoute la musique aujourd'hui. Puis en faisant les clips, on densifie son univers. Je n'aimais pas trop les clips, il me fallait quelque chose d'audacieux pour que j'accepte d'en faire. C'est vachement tiède les clips dans la pop actuel, ce sont souvent des images d'ascenseur, il faut des clips tranchants. Pour moi, Apocalypse est le meilleur exemple. C'est un truc bizarre, un conflit entre l'image et la musique. C'est une manière de raconter autre chose en plus de la musique. Et par certains aspects, c'est très personnel aussi ! Par exemple, j'incorpore pas mal d'humour dans les clips pour donner une autre lecture du morceau. Dans ma musique comme dans les vidéos, je tente de jouer avec les contrastes comme dans les séries ou les films que j'affectionne. Par exemple, Twin Peaks a un coté très expérimental mais à la fois très SOAP. La pop permet de jouer des contrastes et être décomplexé sur le côté artistique. Je veux créer des ponts entre plusieurs univers.

D'ailleurs quelle influence possède le cinéma dans ta musique ?
J'aurais aimé faire des films. J'ai toujours été passionné, et je le suis de plus en plus. Là je veux faire un faux docu musical, ça me turlupine pas mal ! Après le cinéma m'influence entre le texte et la mélodie. C'est à dire je conçois la musique comme la musique d'un film, sauf que là c'est la bande originale de mes textes.

Donc actuellement, tu pars en tournée. Penses-tu déjà à la suite ?
Je souhaite rapidement faire de nouveaux morceaux. Continuer dans un flux non stop. Je suis content de retrouver la scène, mais je me tourne déjà vers la suite. A chaque production, un nouveau recommencement, une nouvelle évolution. Ce qu'on ne faisait pas avec Adam Kesher !

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