samedi , 27 avril 2024

Curiosités du Bikini : Rencontre avec Mauvais Oeil

Ce mercredi 19 février, le groupe Mauvais Oeil sera en concert au Bikini de Toulouse. Rencontre avec Alexis et Sarah les deux faces d’un groupe à suivre !

Née en banlieue parisienne de parents algériens, Sarah a grandi au son du raï de Cheb Hasni et de la pop de Britney Spears. Héritière du « souk des cultures » de Rachid Taha, elle chante en arabe et en français et teinte son chant des mêmes ondulations lancinantes que la diva Warda, « la rose algérienne ».Alexis, multi-instrumentiste accompli, étudie la musique baroque au Conservatoire avant de s’initier à la guitare manouche puis au rock. Allant puiser dans ses origines roumaines, il tente des alliances singulières entre rythmes traditionnels et sons électroniques. Le duo Mauvais Oeil a offert un premier EP « Nuits de Velours » de haute tenue et promet des lendemains chantant.

Avant leur passage toulousain, rencontre avec Sarah et Alexis pour parler création, live, et surtout musique. Et nous démontre aussi que le chance ou la malchance n’a rien à voir dans la réussite. Le travail et le talent priment !

Vous êtes en concert ce 19 février au Bikini pour les Curiosités aux côtés de Pomme et Renarde. Dans quel état d’esprit avant une date qui arrive, une tournée ?

Alexis: Justement ça tombe bien on était en train de faire une story Instagram sur la date toulousaine, ça tombe a pic. 
Sarah : On est super content

Alexis : Franchement on est excité quoi.

Sarah : On a hâte.

Alexis : On a toujours super hâte.

Un peu de stress avant une date, une tournée ?

Alexis : Il y a toujours du stress.

Sarah : Si, ça fait partie du game. 

Alexis : Si il n’y a pas de stress, ce n’est pas drôle. C’est pas une bonne chose.On est pas pareil avec Sarah. 

Sarah: Moi c’est les quelques minutes avant de monter sur scène, je suis en panique absolue.

Alexis : Et moi c’est les deux semaines avant. Non c’est pas vrai (rires). C’est plutôt la journée mais juste avant d’être sur scène ça va. C’est juste avant quoi, une heure avant deux heures avant, je suis un peu stressé.

Et ça représente quoi pour vous la scène ? Ce moment de monter sur scène, de rencontrer le public ?

Alexis : On partage notre musique en direct avec les gens et on peut voir leurs réactions en vrai. 

Sarah : Ouai mais c’est un moment super précieux en plus parce qu’on a la chance de pouvoir le faire.

Comment travaillez- vous votre musique pour l’adapter sur scène surtout avec autant d’arrangement comme dans votre travail.

Sarah : Ah c’est un bonne question ça tiens!

Alexis : On n’y a jamais pensé. Comment on l’adapte ? En fait il n’y a pas vraiment de recette. 

Sarah : On y va au feeling. Ça dépend des morceaux. Par exemple, il y a des morceaux sur disque qui sont beaucoup plus doux et on essaie de les énerver un peu pour la scène. Les morceaux déjà énervés de base, on les énerve encore plus… 

Alexis : On énerve tout (rires).

Sarah : Donc souvent ça passe aussi par retirer des arrangements pour la scène en fait.

Alexis : On adapte. On change, on retravaille souvent nos sessions live entre chaque concerts, on change des trucs…

Sarah : On essaie de s’améliorer à chaque fois. 

Alexis : Vu qu’on joue pas mal avec les machines, du coup il y a moins le côté improvisation que peut apporter un être humain. On tente de changer un peu à chaque fois.

Sarah : On tente aussi d’avoir de moins en moins de machine sur scène par ailleurs.

  Et sur scène vous êtes tous les deux ?

Alexis : Non, on est 3 sur scène…Parfois on est 2 mais la plupart du temps on est 3 avec un batteur percussionniste.

 Revenons au début. Qui est Mauvais Œil ? Pourquoi ce nom de groupe? La question 1000 fois posée mais un peu passage obligé.

Sarah : En même temps quand on choisit un nom qui laisse entendre qu’on nous posera souvent cette quesion.C’st normal de devoir un peu l’expliquer. Surtout qu’il a une connotation un peu négative à la base. Mais justement, c’est pour ça qu’on a décidé de s’appeler Mauvais Œil.  Le mauvais œil se retrouve dans tellement de cultures, on a pensé que c’était quelque chose d’assez universel déjà pour commencer.  Et moi personnellement, ça m’a beaucoup bloqué en fait dans ma vie. A force de penser que le mauvais œil pouvait s’abattre sur moi, ça m’a bloqué. A un moment donné, c’est vouloir reprendre les rennes entres ses mains,  son destin en main.  C’était vraiment ça l’idée.

Alexis : Souvent tu te protèges du mauvais œil en portant le mauvais œil…

Sarah : Depuis on a trop de chance.

Alexis : Oui. C’est vrai, on a trop de chance.

 Oui , chez les artistes ou les sportifs il y a toujours ce côté un peu superstitieux avant de monter sur scène, avant une sortie…c’est une manière de mettre le mauvais œil le plus loin possible de soi ?

Sarah : Ben c’est le combattre en fait.  Sinon ça peut être vite paralysant puisque le mauvais œil peut s’appeler aussi le karma . Enfin, ce ne sont juste des énergies et parfois il faut un moyen pour casser tout cela.

 Avant de jouer tous les deux, vous avez un parcours différent. La rencontre c’est quand et comment ? Comment on décide de jouer ensemble ?

Alexis : En fait on s’est rencontrés pour ça. C’est quand ? Alors plus précisément le 1er Janvier 2018 à 18H…Voilà, pour être plus précis, dans un petit café à Paris. C’était un entretien d’embauche qu’on se faisait passer mutuellement. On a été mis en contact pour jouer ensemble parce qu’on était un peu la pièce manquante au puzzle de l’autre. Donc on s’est vraiment rencontré pour travailler et on est devenu très amis au premier regard.

Sarah : Ouais. En fait, on s’est retrouvé sur des valeurs  avant de parler musique. On a beaucoup parlé de ce que ça voulait dire pour nous d’avoir un projet, de travailler avec des gens parce qu’on avait jamais voulu travailler seuls.  Personnellement j’ai beaucoup galéré avant de trouver la bonne personne avec qui bosser. C’était parce qu’on partageait pas forcément les mêmes valeurs d’entrée de jeu qu’on a mis ça sur le tapis et c’est ce qui nous a rapproché.

Vous parliez de puzzles, de la pièce manquante : Qu’est ce que l’un amène à l’autre ? Et vice-versa ?

Alexis : Ahh. C’est que des questions qu’on nous a pas trop posé…

Sarah: Ben c’est bien c’est des bonnes questions. 

Alexis  : Sarah chante quand même vachement mieux que moi, en vrai . Non mais on s’amène, je sais pas, je pense qu’on s’amène beaucoup de références, de soutien. Enfin moi en tout cas tu me donnes vachement confiance… Beaucoup de confiance…

Sarah : Ouais, il y a ça… Le fait d’admirer le travail de l’autre…

Alexis : Et le respect aussi…

Sarah : Voilà, moi je sais que comme je n’ai pas de formation du tout, d’avoir quelqu’un comme ça qui maîtrise aussi bien les instruments et qui garde une énorme sensibilité m’apporte énormément.  Parfois,  il y a des gens très forts techniquement mais du coup ça les bloque un petit peu aussi dans l’expression de leur créativité. Or là, c’est pas du tout le cas avec toi et du coup moi ça m’inspire personnellement. Ça me permet de … surtout quand quelqu’un comme ça valide un petit peu ton « talent », ça te pousse encore plus à l’exploiter…  Il y a aussi des choses techniques, l’un et l’autre on a nos propres spécialités on va dire…

Alexis : Oui complètement.

Sarah : Et ça va être aussi d’autres manières de voir les choses parce qu’on est deux personnes différentes avec une appréhension de cet art différente et c’est ça qui est génial en fait.

Alexis : On se complète assez bien oui.

Comment ça se passe le processus créatif entre vous ? Qui amène les idées, qui amène les thèmes, les musiques, les textes ?

Alexis: De la même manière que pour le live, il n’y a pas vraiment de recette. Des fois c’est Sarah qui apporte une ligne ou des fois une chanson complètement terminée, et des fois c’est moi qui vient avec juste un petit bout d’accord et d’arrangements ou avec un morceau terminé.  Le premier EP qu’on a sorti « Nuits de velours » , c’est vraiment un mélange de nos compos. Enfin on a composé un morceau chacun et les deux autres on les a vraiment travaillés ensemble donc il y a pas vraiment de recette , on s’échange des idées et des bouts de morceaux et on les monte vraiment ensemble, on les pense ensemble, on les arrange ensemble…

Sarah : Il n’y a que le texte que toi tu ne fais pas encore mais c’est même pas fermé ça…

Alexis : Non. On est fermé à rien.

 Les textes sont très intimes d’ailleurs, ça parle d’absence, du manque de l’être aimé etc c’est des thématiques très personnelles. Quand on est à deux il faut que ça parle aux deux ou faut que ça parle à un et l’autre suit ?

Alexis : Non il faut quand même que ça parle aux deux en tout cas . Sarah, les textes qu’elle a écrit depuis qu’on s’est rencontrés – parce qu’il y en a pas mal qui étaient présents avant –  je les ai validé.  Ou même les musiques que moi j’ai amené, on les a validé ensemble c’est à dire que souvent même sur Afrita par exemple on était dans la même pièce et on jouait le morceau.  Puis Sarah a écrit le texte et elle m’a dit : « ça va si on parle de ça ? c’est ok et tout ? » Après c’est elle qui trouve les mots, qui met les phrases mais  franchement on se concerte quand même.

 Est-ce qu’il y a des sujets qui bloquent ?

Alecis : Je crois pas. C’est pas encore arrivé.

Sarah : Non. Après on parle d’expériences personnelles mais de toute façon il faut que ça parle à tout le monde donc si ça peut parler à tout le monde ça peut parler nécessairement à l’autre un peu .

Dans votre travail, il y a cette musique très dansante sur des textes très profonds. Ce décalage est l’une des caractéristiques de votre musique ?

Alexis : Oui. Mais ça c’est un peu fait exprès quand même, enfin non pas fait exprès…

Sarah : C’est spontané quoi…

Alexis : En tout cas on a toujours fait comme ça même avant de se rencontrer. Moi j’ai toujours fait comme ça en tout cas.  J’ai toujours aimé faire danser sur des textes plus durs. Même au niveau des mélodies, j’avais des mélodies des fois un peu mélancoliques mais toujours avec un côté dansant. 

Sarah : C’est un peu un miroir de notre façon de gérer nos émotions dans la vraie vie. Je veux dire parfois on est triste mais on ne s’apitoie pas trop.  Si tu te concentres, tu vas écouter des choses très intimes et tu vas pouvoir ressentir des choses très profondes mais en même temps si tu n’as pas envie de te concentrer tu peux aussi danser et t’éclater. Et parfois même, si t’es un peu ouf tu peux faire les deux. 

 Danser en pleurant ça peut être bien. 

Sarah : C’est arrivé.

Alexis : Oui c’est arrivé une fois.

D’ailleurs ça procure quelles sensations de faire de la musique ?

Alexis : Wow c’est inexplicable. Lourd. Non mais en vrai ça procure toute une palettes de sensations, ça dépend vraiment des gens. Et des heures. Oui des fois des heures. Des fois on peut tourner sur un même bout de morceaux et être super heureux et être dans une espèce d’euphorie  qui prend tout ton corps et puis la seconde d’après tu te mets à être au bout de la déprime,…enfin je parle pour moi là.

Sarah : Moi je sais pas juste; ça donne un sens à ma vie  tout simplement. 

Quelles sont vos références musicales ? 

Sarah : Oh il y en a trop trop trop.

Alexis : De la bonne musique. De la musique bien .

Oui mais c’est quoi de la bonne musique justement ? Qu’est ce qui définit de la bonne musique ?

Sarah : Ben la bonne musique c’est quelque chose de pas prétentieux déjà… 

Alexis : J’allais le dire, j’allais dire la même chose…

Sarah : Généralement quand tu es sincère tu n’es pas prétentieux, enfin à priori. Et puis c’est, comment dire, pas transgressif mais quelque chose qui va te secouer un petit peu. Voilà pour moi ça c’est de la musique.

Alexis : Pas forcément. Des fois tu as des trucs qui sont juste agréable à l’écoute et qui te secouent pas. Des petites mélodies un peu légères qui peuvent juste te faire du bien sans forcément te procurer des sensations de dingue. Après on écoute vraiment de tout. On se fait des playlists même si on a un peu arrêté là. Mais sur une même playlist tu peux passer de tout. Il n’ y a pas vraiment de limites au niveau des styles.

Sarah : Grâce à internet,  je me rappelle quand j’étais petite,  j’ai eu accès à tellement de choses différentes que j’ai essayé de digérer le maximum de choses. Enfin je pense qu’on est dans le même cas  dans notre génération…Les débuts d’internet chez les gens c’est ça qui a permis d’ouvrir les portes…

Oui ça a changé la musique, la façon de faire aussi.

Sarah : Complètement alors du coup il y avait ce qui passait sur MTV et en même temps tu pouvais aller voir des trucs super obscurs. Moi j’ai découvert des vieux groupes de garage que peu de gens ont écouté, je pense que je me rappelle même plus des noms. Mais voilà ça passe de ça à des trucs ultra mainstream ou  ça peut être aussi du jazz… 

Alexis : Oui et des musiques qui viennent de plus loin .

 Vous allez chercher les influences un peu partout comme dans la musique orientale, il y a un pont entre les musiques et les cultures dans votre projet global ? 

Sarah : Oui, en fait on a pris le fait de faire de  la musique de manière ultra littérale. C’est à dire qu’à un moment, tu es influencé par tout et comme on a accès à plein de choses aujourd’hui, au final on est influencé par un maximum de choses.  Du coup, la musique orientale comme le reste prend place dans notre projet. Le tout, c’est de rendre la chose harmonieuse, ce qu’on essaie de faire.

Et comment vous choisissez de chanter en Arabe ou en Français sur les morceaux ?

Sarah : Ça dépend. En fait on y réfléchit pas trop ça vient assez naturellement…

Alexis : Moi souvent c’est même le morceau qui me dit je veux être chanté en Arabe ou en Français.

Sarah : Oui c’est vraiment ça, tu as très bien défini le truc.

Alexis : C’est lui qui me parle de lui-même. Des fois il y a moyen de faire les deux.

Là il y a un nouvel EP qui va sortir au mois d’Avril. Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

Alexis : C’est un petit peu la continuité du premier mais version plus solaire.

Sarah: Voilà parce que le premier c’est la nuit et le deuxième c’est le jour. 

Alexis : Je pense qu’il y aura un petit peu plus de légèreté. Pas que le premier EP soit plombant, mais il y aura un petit peu plus de légèreté même dans les compos et même dans la manière dont on a voulu produire le tout. C’est un petit peu plus actuel et un peu plus léger.

Sarah :  Voilà, pour accompagner les gens, pour les réchauffer juste avant l’hiver  on a sorti un premier EP, et là on va les faire se découvrir un petit peu.

Et il y a un nom pour cet EP ?

Alexis : Mektoub

«  Salam Salomé »est le premier titre prévu pour mars, l’histoire d’une femme tentatrice d’après ce que vous avez dit sur Facebook ?

Sarah : C’est ça. Enfin, c’est libre d’interprétation, elle est jamais genrée  la personne dont on parle dans le morceau. 

Alexis : C’est vrai qu’il n’ y a aucun morceaux qui est genré.

Sarah : Mais voilà c’est ça qu’on a trouvé drôle parce qu’effectivement quand on lit les paroles ou quand on écoute on a tendance à croire que c’est d’une femme dont on parle mais en fait c’est jamais dit explicitement.

Alexis : Non mais tous les morceaux en fait. Chaque morceau peut être chanté par un garçon ou par une fille sans avoir besoin de ré-accorder le texte.

Ils ne sont pas genrés parce que vous le voulez ou parce que vous êtes un groupe mixte ?

Sarah : Non parce qu’il y a des textes qui ont été écrits avant même qu’on se rencontre. Mais je pense que moi je l’ai fait parce que je suis assez pudique et que finalement je n’avais pas envie de parler énormément de moi. Je parle un peu de moi dans mes textes mais du coup je voulais pas que ça se voit de manière trop évidente. Et c’est une manière aussi de laisser les gens s’approprier les histoires…

Alexis : …de les interpréter.

Il y a aussi quelque chose de très visuel chez vous, ça fait partie du projet ?

Sarah : Ah complètement. Ça va de pair. Parce qu’en fait nous ce qu’on aime, on s’est retrouvé aussi vachement sur la musique de films , c’est l’image . Il fallait que l’image continue de raconter l’histoire de la musique.

Et vous, vous êtes partie prenante des productions ?

Sarah : Oui on co-réalise tout.

Alexis : Oui complètement. Enfin en tout cas sur les clips qu’on a déjà sorti, l’idée vient de nous. Même à la base on y pense, on en parle beaucoup avant et puis après on s’associe. Pour le premier on l’a vraiment tourné avec une amie qui a juste tenue la caméra et qui n’a pas vraiment participé à la réal. Mais le deuxième on a vraiment  travaillé avec un réalisateur qui était vraiment dans le processus avec nous. C’est nécessaire à notre projet.

Je vous remercie en tout cas pour toutes vos réponses. Vous êtes en studio là, je vous laisse enregistrer donc. C’est pour l’EP ou c’est pour plus tard ? Un album pour quand d’ailleurs ?

Alexis : C’est pour l’EP là. On est encore sur le prochain EP.

Sarah : Ouais et puis l’album on enchaînera après en suivant.

Alexis : Dans la foulée. Pour une sortie en 2021, on est déjà bien occupé en 2020.

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