lundi , 13 mai 2024

Toulouse – Interview : Ibeyi, « La musique c’est la vie ; notre vie ! »

Les deux soeurs d'Ibeyi seront en concert à Toulouse, au Bikini, ce mercredi soir. Rencontre avec Naomi en amont de ce beau moment de poésie.

Dès la première écoute, on pressent, on sait que le monde entier leur appartient. Elles s'appellent Ibeyi, le nom des dieux jumeaux yoruba, langue parlée aujourd'hui au Bénin et au Nigéria mais aussi, langue de la Santeria, le Vaudou cubain. Avant tout Cubaines, elles sont aussi Vénézuéliennes. Et Françaises, puisque ces deux jeunes soeurs singulières ont grandi à Paris.

On entend d'abord la voix soul de Lisa-Kaïndé, qui s'accompagne au piano. Simplicité, intuition, alliées à la force poignante d'une vraie musicienne. Lisa-Kaïndé, chevelure afro et immense sourire, ne peut que désarmer les plus endurcis. A ses côtés, Naomi accompagne sa soeur aux choeurs. Plus secrète, c'est pourtant bien Naomi, avec ses longs cheveux bruns et ses yeux verts énigmatiques qui donne toute son assise harmonique et rythmique au duo, installée sur scène à califourchon sur son cajon, ou jouant des batas, les tambours des cérémonies religieuses à Cuba.

A l'occasion de leur passage à Toulouse, nous nous sommes entretenus avec Naomi pour évoquer l'album, les concerts et l'histoire de beau groupe.


Vous êtes en pleine tournée actuellement avec votre premier album. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Excitées, contentes, un peu d'appréhension quand même. Il y a de l'anxiété, forcement, mais c'est aussi un moteur pour livrer le meilleur de nous même sur une scène. Mais l'excitation demeure l'état majoritaire chez nous. Avant de rentrer sur une scène, il y a un peu de stress mais on se connaît par cœur, et donc on gère ça parfaitement. Lisa est une grande stressée mais en cinq minutes on passe à de l'adrénaline. On se connaît, notre lien permet de vivre les choses instinctivement.

D'ailleurs que représente la scène pour vous ?

On fait ce métier, ou plutôt cette passion, pour monter sur scène, bien sur pour voyager aussi, mais surtout pour donner de l'amour le temps d'un instant tous ensemble. C'est très différent aussi d'un album où on se retrouve en petit comité. Là, il y a un partage dont on est fier. Notre démarche fonctionne aussi dans la communion avec le public, une chose de viscérale.

Vous avez parcouru plusieurs pays, dont dernièrement l'Angleterre. Ressentez-vous une différence entre les publics ?

Il y a des différences, même entre les publics en France. On note surtout une tendance plus communicative et expressive en Angleterre ou aux USA qu'en France. Les français intériorisent notre musique. Personnellement, on aime quand ils extériorisent nos chansons, quand ça bouge sur nos rythmes. Mais chaque public étant différent, on ne jette pas la pierre. Au contraire, on donne le meilleur quelque soit le lieu ou le soir.

Comment est né Ibeyi ?

Il y a déjà 4/5 ans quand Lisa a été contactée pour un EP. Je lui ai dis : « Pas sans moi ma cocotte » ! Au final, l'EP n'est jamais sorti, et on a voulu continuer notre chemin ensemble. On a donc décidé de travailler avec beaucoup de monde dont Richard Russell. Ibeyi ne pourrait pas marcher sans l'une ou l'autre. On se balance bien ensemble. Sans elle, je ferais de la Trap et sans moi, Lisa ferait de la musique triste (rires).

Comment êtes vous arrivées à la musique ?

On a grandi dans un milieu assez favorable. Notre père était musicien, et notre mère aussi ! Forcément, dans ce contexte, on a appris à écouter, à aimer la musique de toutes cultures et de toutes provenances. Puis, j'ai fait plus de dix ans de conservatoire. Lisa aussi . Ça n'a pas apporté beaucoup de chose, si ce n'est des bases de piano pour ma sœur. La musique classique est très belle mais on s'en est détaché plus tard. Ce sont d'autres musiques qui ont nourri notre son !

Comment se passe le processus créatif au sein du duo ?

Lisa compose les musiques, elle écrit quelque fois les textes seules dans son coin. Parfois, c'est notre mère, ou même notre oncle. Moi, j'arrive pour la rythmique avec une idée bien précise de ce que je veux. Je voulais, pour l'album, un son plus electro, avec des influences Hip Hop, et on m'a laissé faire ça ! On a donc suivi cette direction, qui construit de ce fait le son Ibeyi.

Vous êtes le premier groupe français à signer chez le label mythique XL Recording. Vous y travaillez notamment avec Richard Russell. Qu'a-t-il apporté à votre travail ?

Il est extraordinaire, tout simplement ! On l'aime énormément. On ne serait pas grand chose sans lui. Même si on aime à penser que le talent est en nous, lui il le déniche et l'enrichit par son talent. Il nous a appris à écouter les détails. La première chose qu'il nous a dit, c'est : « Qu'est ce que vous cherchez comme son ? » On a été surprise par la question, car on ne savait pas vraiment ce que pouvait être notre son. Donc il nous a appris à écouter les détails, à savoir qu'un petit temps peut tout changer….il a tout changé chez nous.

D'ailleurs, quel est le son d'Ibeyi ?

Je crois que je n'ai pas la réponse. Pour le son, je crois surtout que c'est un mélange qui varie en fonction des chansons. D'ailleurs on prône le mélange. Le mélange est notre grande force, dans la vie comme dans la musique. Sans le mélange, tout serait faux. Il n'y a plus, aujourd'hui, un groupe avec un seul vrai style. Maintenant, on a fait place à un beau métissage. Heureusement, on avance !

C'est un album très personnel où vous y faites découvrir aussi votre culture. C'était la volonté de départ ?

Avant même l'album, on avait toutes les chansons, seules trois ont été construites en studio. C'était moins personnel avant, ça l'est devenu par la suite. Seule "Mama Says" était très personnelle avant le studio. Lors de l'enregistrement, on a dit à Lisa qu'il serait intéressant d'écrire sur notre père et notre sœur, décédés. Richard lui a dit «  tu veux pas le faire ? » Il est comme ça, il arrive à sortir les choses de nos cœurs assez facilement sans prendre des pincettes. Elle a essayé et livré deux chansons bouleversantes. On n'a pas réfléchi à l'idée que ce soit personnel, on a juste envie de créer, de faire sortir les choses. Notre deuxième album sera différent car on partira sans chanson, à la différence de celui là."

Votre mère est omniprésente dans votre vie, en tournée comme dans votre création. Quelle place occupe la famille dans votre parcours artistique ?

Pour nous, la famille c'est tout. On a été élevées comme ça. Dans cet état d'esprit là : la famille représente tout ! Faut en profiter un maximum, ils sont toujours là pour nous, et on se doit de leur rendre dans le même temps. Notre famille nous permet d 'avancer et nous aide dans le moindre détail de notre existence, personnelle ou musicale. Notre mère est aussi l'une de nos managers, notre grand mère vient le plus souvent possible quand on est sur Paris. C'est une force, un amour, notre raison de vivre aussi !

Votre musique est mélancolique, jamais pessimiste. Vous exorcisez votre passé en musique . Comment le ressentez vous ?

C'est un exorcisme d'une certaine manière. La vie continue malgré tout, et on se doit d'être toujours optimiste. Sur scène, le côté mélancolique est terrassé par l’énergie. On a eu une enfance heureuse, malgré certains événements, la musique nous fait du bien, on ne pourrait pas vivre sans. La musique c'est la vie ; notre vie !

Précédemment, tu as dis que l'une sans l'autre, le groupe ne marcherait pas. Vous avez des goûts différents. Comment se passe cette opposition de style ?

Il n'y a pas de réelle opposition de style. On aime les même choses. La différence vient du fait qu'on écoute pas la même chose continuellement. Tout ce que j'aime, elle aime, et tout ce que j'aime, Lisa l'aime. Mais si Lisa est une grande fan de Jazz, personnellement je préfère écouter autre chose tout en écoutant de temps en temps du jazz. C'est le yin et le yang. J'ai une grande force de caractère qui s'aligne parfaitement à la douceur de Lisa. Je suis le yang, elle est le yin (rires).

Depuis la sortie de l'album au printemps dernier, votre notoriété est en plein essor, à juste titre. Comment vivez vous cela ?

On ne le sent pas du tout, on continue à faire la vaisselle (rires). C'est vrai qu'on nous reconnaît dans la rue ou dans certains lieux, mais sans pression. Quand on voit que les salles sont pleines, on est surprise ! Notre grande peur est de ne pas remplir malgré notre succès croissant. Mais quelque soit le pourcentage de remplissage, on donne toujours le meilleur.

Tu parlais tout à l'heure, d'un deuxième album. Y a-t il l'envie de collaborer avec d'autres artistes pour la suite ?

Travailler avec qui, je ne sais pas encore, on est juste en train d'écrire pour le second album. Mais, on a des idées bien précises. On ne s'est pas encore occupé de contacter qui que ce soit pour l'instant. On a des idées, des gens qu'on a rencontrés lors de nos tournées. On tourne depuis deux ans maintenant, ça nous donne des idées pour la suite. L'album, je pense qu'on le sortira dans un an. Lisa continue d'écrire. C'est bien de ne pas s'arrêter même si cela est dur en tournée. Mais là, place à la scène !

Ibeyi en concert
Mercredi 18 novembre au Bikini
Réservations : www.lebikini.com ou www.bleucitron.net

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