lundi , 13 mai 2024

Interview : Grand Corps Malade et le Cercle des poètes

Talentueux jongleur de mots, Grand Corps Malade sera à l'Odyssud Blagnac ce jeudi, et sortira un nouvel album "Il nous restera ça" entouré de la crème des auteurs. Rencontre avec un artiste amoureux de la langue française.

« Un album d’auteurs. » La formule est de Grand Corps Malade lui-même, et résume autant son désir initial statut singulier d’Il nous restera ça, aventure hors norme dans la musique en France. En s'entourant de belles plumes, le poète propose un concept hors norme, séduisant, passionnant avec des textes d'une beauté infime. Avant son passage à l'Odyssud ce jeudi, nous l'avons rencontré pour évoquer avec lui son cercle des poètes.

Tu termines ta tournée de l'album Funambule avec un passage à l'Odyssud Blagnac. Dans quel état d'esprit es-tu ?

Je suis dans un esprit bien souriant. Assez positif même. Je tourne avec cet album depuis près de deux ans, pas non stop puisqu'on a fait des pauses, mais là on a rajouté quelques dates pour finir cette fin d'année. Il reste encore une quinzaine de dates et le public est toujours aussi présent. Après ce sera une vraie pause car le prochain album comprend plusieurs artistes. Il n'y aura pas de tournée mais je pense réunir quelques auteurs pour des concerts. Enfin, espérons !

D'ailleurs, tu échanges beaucoup avec le public sur scène. C'est indispensable pour toi ?
La scène oui ! C'est l'endroit où tu as l'impression de faire ton métier. J'aime chaque moment de ma vie artistique, autant le studio que la phase de création. Le partage est l'aboutissement final. Le but ultime. Faire le plein de public est essentiel dans notre métier.

Un public assez éclectique en plus..
Oui, le mot est exact. Ça se vérifie depuis 10 ans. On retrouve des ados, des adultes, toutes les générations. C'est un moment de partage collectif hyper agréable à mon sens. Mon écriture s'adresse à tous. Parfois, j'entendais dire que je m'adressais à un certain public, un peu bobo ou du monde du rap, mais les gens ont compris que je parlais d'universalité dans mes textes et que ça touchait toutes les franges de la population. Il suffit juste de s'y intéresser.

Le fait de toucher autant de monde vient de ton écriture personnelle ?
Les gens s'y retrouvent en effet. Plus tu es sincère dans le thème que tu abordes, plus tu touches un grand nombre, j'ai remarqué avec le temps. On a tous connu les même sentiments, les défaites, les échecs, l'envie, le bonheur, l'amour… Les gens se retrouvent dans la sincérité que tu développes dans ton travail. Donc évoquer de façon personnelle des sujets permet aussi de toucher un grand nombre, en plus de se faire du bien.

Comment apparaissent les thèmes de tes chansons ? Y en a-t-il que tu n'oses pas évoquer ou pour lesquels tu n'arrives pas à y coller des mots ?
Au feeling. Les thèmes peuvent provenir d'un mot, d'une phrase, d'une photo, de ce que j'observe autour de moi. Je ne me pose pas beaucoup de question, je prend mon stylo et j'écris. Il y a zéro tabou dans le choix des thématiques de mes textes.

"REVENIR A UN ALBUM D'AUTEUR"


Le 23 octobre prochain, tu sors un nouveau projet avec plusieurs chanteurs, « Il nous restera ça ». Comment est né ce projet ?
J'avais envie de revenir à un album d'auteur. Revenir avec des chansons d'artistes que j'aime. Que j'apprécie. On entend beaucoup d'albums de reprises en ce moment, je voulais quelque chose de nouveau. Réunir des auteurs, qui viennent d'horizons différents, avec une seule cohérence : la même phrase. Puis ils ont écrit un texte chacun, qu'ils dévoilent sur l'album.

On retrouve de nombreux chanteurs sur le projet, de Renaud à Thiéfaine, en passant par Aznavour et Jeanne Cherhal. Comment les as tu choisis et contactés ?
En les appelant naturellement. Il y avait plusieurs points essentiels dans ce projet. Premièrement, que j'aime les gens. Deuxièmement, avoir un casting varié dont un rappeur, un académicien, des chanteurs et un slameur. C'est un projet, au final, assez naturel, dont je suis très fier et les premiers retours sont plutôt agréables à entendre.

Sur l'album, une chanson va retenir l'attention à sa sortie, celle de Renaud. Un morceau inédit après plusieurs années de silence. Comment l'as tu convaincu alors qu'il se disait en panne d'inspiration ?
Pas tant que ça. Il était dans une période où il écrivait peu, donc ce n'était pas gagné même si le projet lui plaisait énormément. Je suis allé le voir, on s'est assis ensemble, on a commencé un texte et il a continué simplement, livrant un magnifique poème musical. C'était pas si dur que ça. Renaud a retrouvé son génie, je t assure de voir ça c 'est exceptionnel. Il nous manque. Vivement son grand retour !

RENAUD, "IL NOUS MANQUE"


Le premier titre présent sur l'album est « l'heure des poètes » où tu parles de Brassens, Brel ou encore NTM et Kery James. Ces artistes sont des références dans ta musique ?
Ce sont les gens qui m'ont marqués, inspirés même. J'ai découvert la chanson française par l'intermédiaire de mes parents, et j'en suis assez fier car j'ai découvert les mots, leurs sens grâce à ça. Puis le moi pré-ado a grandi avec le rap et la force de leurs mots et punchline. Je n'ai très peu écouté de musique anglo-saxonnes grâce à mes parents et à mon adolescence.

Tu évoques le rap dont NTM et Kery James sont des grands ambassadeurs comme évoqué dans ton titre, mais tu as une autre légende dans ce nouvel opus, Lino d'Arsenik.
Evidement, Arsenik est une légende du rap français. Lino, et tu demanderas à beaucoup de rappeurs, est le plus fort. Il a un truc en plus. Il a des textes d'une force incroyable. Des textes d'une intelligence incroyable. Quand je parle d'intelligence, j'entends le fait que ses textes ont plusieurs niveaux de lecture. A la première écoute tu comprends des choses, puis d'autres dans les écoutes suivantes. Et encore si tu es habitué à cette écriture. C'est très dense, plein de références. Et sur l'album, il a livré un nouveau morceau. Je suis assez fier de pouvoir le faire découvrir à un grand public qui va acheter l'album pour mon nom ou celui d'Aznavour ou Renaud, et à côté de voir un artiste plus underground comme Lino.

J'ai eu la chance d'écouter quelques titres, dont le magnifique Pocahontas, un titre assez personnel de ta part. J'ai l'impression que c'est une chanson importante pour toi ?
Pocahontas est une chanson très personnelle. Mais au final, comme je l'expliquais avant, elle parle à tous. Tout le monde peut s'y retrouver sur le fait de vivre de nouvelles aventures et la paternité. Les premiers retours sont excellents et j'ai vu des larmes couler sur ce titre.

En 2016, tu fêteras tes 10 ans de carrière. Quel regard portes-tu sur ses années passées ?
Un regard assez émerveillé. Je n'étais pas parti pour être un artiste, j'ai découvert cette fibre chez moi en faisant du slam. Cinq albums, 500 concerts, un livre plus tard, je collabore avec des idoles et des gens que j'aime. Je suis loin d'être blasé. Je suis prêt à repartir 10 années de plus si tu me demandes…

Tu parles de ton roman, « Patient(s) », il va être adapté au cinéma. Où en es-tu ?
Le projet est super excitant et ça approche à grand pas. Le scénario est écrit, la boite de production Mandarin a adoré le script et on va commencer le casting dans les mois qui arrivent. C'est une nouvelle aventure pour moi, et je suis assez excité.

En parlant de réalisation, le clip de « L'heure des poètes » est impressionnant artistiquement parlant. Comment as-tu eu l'idée ?
L'idée est de mon ami Mehdi Idir, co-réalisateur du long métrage. Il voulait continuer l'hommage à ces poètes avec des artistes peintres. Une bonne idée, un super rendu, et la naissance de 8 œuvres d'art créées pour l'occasion. MarKo, celui qui a fait NTM, dit que c'est le rythme qui anime aussi la peinture.

Actuellement, il y a des poètes qui te parlent plus que d'autres ?
Oui forcement. Je pense notamment à Ben Mazué qu'on retrouve sur l'album. Il est très très doué. Mais il y a aussi de belles plumes dans le rap français actuellement.

UN POETE "RESTE ABSTRAIT"


En parlant de belle plume, pourquoi on ne retrouve pas un texte de Oxmo Puccino qui est l'un des grands poètes du rap français ?
Forcément, Oxmo est un ami et logiquement à l'idée de l'album, je lui ai proposé. Mais ce qui est bien avec Oxmo, c'est qu'il ne te laisse pas attendre. A regret il a refusé car il n'avait pas encore fini les textes de son futur album. J'ai déjà bossé avec lui et évidemment, il correspond à l'idée que je me faisais de ce projet .

Qu'est ce qu'un poète d'ailleurs ?
C'est un peu bizarre en fait. Il y a pas de définition réelle pour moi. Ça reste abstrait. Ce sont des chroniqueurs du quotidien. Mais je préfère me dire qu'un poète est quelque chose d'abstrait, et c'est aussi bien comme ça.

Que puis-je te souhaiter pour la suite ?
Une belle sortie d'album, que la tournée se termine en apothéose avec la même humeur que lors des précédentes dates. Je suis très fier de ce nouveau projet qui sort là. Il est différent, c'est un concept inédit. Personne n'a jamais ça, et l'engouement est déjà à la hauteur de mes espérances. On a fait dernièrement une écoute avec les auteurs, on en a pris plein les oreilles et tout le monde est assez positif sur ce travail collégial.

 

Sortie de l'album le 23 octobre prochain

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