vendredi , 19 avril 2024

Interview de Pierrick Rouquette des Malpolis : « Maintenant, c’est du plaisir « 

Avant les 10 ans de Détours de Chant, on a rencontré Pierrick Rouquette, l'homme des Malpolis pour une rencontre sans concessions sur un des groupes phares de cette quinzaine de la chanson française.

La scène est leur terrain de jeu. L'écriture un bien nécessaire. Toujours juste, maniant les mots avec talent, les Malpolis sévissent sur la chanson français depuis près de 13 ans. En duo, puis en trio, les Malpolis reviennent aux origines avec une formation plus simple, comprenant Pierrick Rouquette et Stéphane Chipeaux -Dardé. Une nouvelle étape dans leur longue carrière. En marge de Détours de chant, qui n'a jamais aussi bien porté son nom, Pierrick revient avec passion sur les origines, les aléas du groupe, l'état actuel de la chanson française et surtout le cadeau en préparation pour leur concert le 3 février prochain. Rencontre avec un mec au talent indéniable, et à l'amour de l'écriture insatiable.

Tout d'abord, j'aimerais savoir qui sont les Malpolis ?
Un groupe, un duo de potes. On a débuté en 1997 en duo avec mon collègue Stéphane, un vrai ami dans la vie et bassiste du groupe. Puis, on est passé en trio en 2000 avec l'arrivée d'André, un batteur multi-instrumentalistes. Ça, c'est la formation jusqu'à présent, mais en 2011, on retrouve la formation en duo.

La route a été longue ?
Cela fait 13 ans que le groupe existe. C'est déjà bien au delà de nos espérance. C'est jamais sans difficultés de passer la barre symbolique des 10 ans. On a toujours fait les choses très amplement, avec l'envie sur chaque projet.

Pour quelle raison est parti André ?
Des choses très terre à terre. La vie d'André a fait qu'il devait quitter Toulouse il y a quelques années. Le groupe serait qu'un groupe classique, où on répéterait de temps en temps, cela n'aurait pas posé de problèmes. Mais, on a toujours vu le groupe comme une cour de récré. On est moins un groupe de musique qu'un concept. On veut notre groupe vivant tout le temps.

C'est-à-dire ?
Faire différentes choses. Faire de la musique, monter sur scène, et ce mot « concept » permet de faire des choses ponctuelles. Par exemple, pour le journal Intramuros, on avait réalisé une parodie de rédaction, mais aussi des clips pour Europe Ecologie. Les Malpolis sont un univers, un truc tout terrain.

Le retour aux origines va changer quelque chose dans vos futurs projets ?
On va repartir sur un truc très simple avec la musique la plus sommaire possible avec des textes comme clé de voûte. Repartir sur le duo, c'est revenir à l'origine et partager de nouvelles choses.

C'est une volonté ?
Oui, une volonté. C'est que ce truc à toujours été fait pour s'amuser et à la fois gagner notre vie, plutôt que dans des boulots à la con.

D'où vient ton intérêt pour la musique?
Stéph comme moi, on vient des trucs de notre génération comme le post-punk. Même si tu ne savais pas jouer, cette période permettait de se désinhiber et de faire de la musique simplement sans aucune notion de base. Après, je ne sais pas exactement quand. J'ai l'impression de ne pas grandir, j'ai toujours écrit, bidouillé, dessiné. Je possédais même un groupe de rock gamin. Je voulais gagner ma croûte en faisant des conneries.

Cela a été difficile de faire son trou dans la musique au début ?

Je sais pas. Peut être. Il y avait plus de petits lieux pour nous accueillir. Beaucoup de choses changent. C'était réellement différent au début. Aujourd'hui, il est plus facile d'enregistrer avec les moyens technologiques, mais il y a vachement plus d'offres pour le public. C'est un handicape réel. Il y a 10 ans, se professionnaliser était encore envisageable. Pourtant, Internet crée de nouveau le fantasme de " tu fais un truc, tu fais un buzz".

En clair, vous vous êtes lancés, et ça l'a fait !

Nous, on avait vraiment envie de faire de la musique et pas se faire chier. Voyager, mais aussi rencontrer des gens. Au quotidien, il y a des moments de liberté totale. Quand t'es jeune tu doutes plus, t'as pas un rond, nous on a choisi de vivre  un peu avec une certaine liberté.

La reconnaissance n'est pas un truc pour vous au final ?

On l'a cherché. On voulait se faire connaitre des médias. Mais après dans notre quotidien, c'est la  scène qui a pris le pas. On y trouve assez d'espace, et, on peut s'affranchir de la nécessité du succès.

Vous faites de la chanson, les textes sont savamment menés, il y a de l'humour, des émotions et de la dénonciation. Mais en fait, quel est le style des Malpolis ?
Il n'y a pas de style particulier. On est des chansonniers. C'est à dire que la musique est un prétexte. Dans l'ombre des Malpolis, il y a toute une influence Brassens. surtout au début. On a un groupe pour être devant des gens. On pourrait se contenter d'écrire dans la presse, par exemple, mais on aime cette relation avec les gens. Clairement, le plaisir de l'écriture solitaire prend du souffle quand elle est partagée. Et puis, je le dis souvent, c'est pas les humoristes qui ont de l'humour, mais le public.

Comment se passe le processus créatif au sein du groupe ?

J'écris et puis après on met cela en spectacle. Il faut toujours avoir un petit coin du cerveau qui, pendant que t'es en train de faire quelque chose, relève une expression , une parole, un geste. Parfois, une idée me trotte dans la tête pendant longtemps.

A l'heure d'aujourd'hui, il te manque quelque chose ?

Non non. On aime bien l'idée qu'il y a un petit public qui existe, qui se retrouve. J'aime l'idée qu'on peut les retrouver tous les ans ou tous les deux ans. C'est sur qu'on est à un stade où on a essayé des choses. Mais maintenant, c'est du plaisir, et, on s'amuse.

C'est l'idée absolue du groupe!
S'amuser ? C'est à double sens. Moi, je souhaite qu'on nous laisse dorénavant travailler. Ça veut dire qu'on ne demande pas à être disque d'or, ni même passer en télé. Par contre, nous sommes des professionnels, c'est la situation du groupe qui doit primer. On s'amuse, mais on doit réellement nous permettre de travailler.

Il manque des moyens en gros…

Carrément. La fermeture de petits lieux par exemple. Les mairies les ont fermé pour des raisons certainement très bonnes. Mais au lieu d'aider les salles pour être aux normes, on préfère les éteindre. Puis la réforme des intermittents rend notre statut de plus en plus difficile. Comme le milieu des assos. Il n'y a pas assez de subventions pour aider les gens enthousiastes, vaillants pour organiser des événements. Il y a des choses intéressantes par exemple dans les milieux ruraux mais il n'y a pas vraiment d'institution. Bilan, c'est difficile, mais on s'amuse quand même.

Avec ton œil de vieux routier, comment juges-tu la chanson française actuelle ?

Je ne suis pas un véritable fan de chanson. J'aime les vieux chanteur comme Brassens. Mais, il y a des gens qui font des choses qui ne me déplaisent pas. Notamment dans le jazz. La période qui correspond aux Malpolis a vu l'émergence de groupes comme les Têtes Raides, les Hurlements de Léo, les Ogres de Barback. Cette période a connu une renaissance pour le goût de l'écriture. Comme Bénabar, Jeanne Cherhal. C'est plutôt agréable. Mais, on a atteint un stade où il manque quelque chose, où cela devient foutaise. Il faut une autre révolution. Le résultat est très bien tout de même, on connait la chanson avec un grand CH.

Qu'est ce que pour toi une bonne chanson ?
Une bonne chanson, j'ai l'impression que c'est celle qui me procure du plaisir après l'écriture. Mais en fait, c'est toujours celle d'un autre. Genre, "merde c'est celle là que je voulais écrire!" Comme Sarclo. Certaines chansons de lui me touchent. Il y a une espèce de simplicité apparente, et en même temps une puissance émotionnelle. On est touché et on rit. C'est juste parfait. Au final, une bonne chanson, c'est quand les gens viennent me voir à la fin d'un spectacle et me disent "C'est exactement ce que j'aurais aimé dire". C'est la création d'un lien autour d'une même sensibilité au chose.

Enfin, qu'avez vous prévu pour Détours de Chant ?
Un nouveau spectacle. Notre dernier projet remonte à 2007 ou 2008. On faisait trois séries de concerts espacés tous les trois mois. Et on faisait une heure d'actualité écrite dans l' urgence entre les concerts. Un disque est sorti avec la crème de ce spectacle. Là, on va présenter quelque chose de totalement neuf. Des nouvelles chansons, du nouveau blabla… Le tout avec vachement de plaisir de se retrouver aux origines de l'aventure. On va se faire du bien, et on ne va vraiment pas s'en priver.

Les Malpolis, le jeudi 03 février 2011 à la Salle Nougaro

Détours de chant du 28 janvier au 6 févier 2011 à Toulouse et ses environs.

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Programmation Salle Nougaro

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