vendredi , 19 avril 2024

Interview – General Elektriks : « Tant que j’ai des idées, je continue »

General Elektriks revient avec un quatrième album , To Be a stranger, et une date à Toulouse ce mercredi 13 avril. Rencontre avec l’homme derrière ce projet, Hervé Salters.

 

Derrière le patronyme qui montre ses médailles, un alchimiste sonore en mode ‘low profile’. Treize ans déjà que GENERAL ELEKTRIKS aka Hervé Salters chahute les théories de la relativité  musicale en même temps qu’il agite les foules.Ecrit, arrangé et réalisé par Hervé, puis mixé par Mike Cresswell, To Be A Stranger, quatrième étoile à porter à son veston d’amiral – à paraître le 29 janvier 2016 (3ème Bureau / Wagram),hisse les couleurs d’une electro-soul personnelle et pointue, d’un univers nuancé où il fait bon se perdre.

 

A l’occasion d’une date à Toulouse, on a évoqué avec Hervé Salters ce nouvel album, les Etats Unis, Berlin, David Bowie et surtout General Elektriks et le live. Rencontre.

 

Tu es en pleine tournée, tu reviens cinq ans après au Bikini avec un nouvel album, ce mercredi 13 avril. Dans quel état d'esprit es-tu ?

Très heureux. Un peu crevé aussi, car le début de la tournée a été très intensif. Mais je reste heureux. On a enchainé des dates pendant quatre semaines avant d'avoir une semaine off la semaine passée. On reprend donc au Bikini avec l'énergie à son maximum.

 

D’ailleurs, quel souvenir gardes-tu de ton passage en 2011 au Bikini ?

Un super souvenir de cette soirée partagée avec Féfé dans le cadre des Curiosités. J'ai été assez frappé par la salle puisque c'était la première fois pour moi dans le nouveau Bikini. J'ai du jouer dans l'ancien Bikini lors de la tournée de Sinclair, quand je faisais son clavier. Ou alors avec le groupe Vert Coquin, mais je me souviens plus très bien. En 2011, j'ai été frappé par le son. Il y a quelque chose de précis dans les sonorités de la salle qui permet, quand on est musicien, de jouer le meilleur live possible.

 

Tu parles de précision, c'est ce qu'on ressent à l'écoute de ce nouvel album « To be a Stranger ».Tu recherchais cela en particulier dans cet album ?

J'ai du faire ça sans le savoir, car cela ressort de nombreuses fois. Mais j'ai toujours travaillé avec minutie chacun de mes morceaux depuis les débuts. Là, peut être que la sensation vient du fait qu'il y ait des lignes claires et que c'est moins impressionniste que les précédents. Je vais directement au but cette fois ci!De manière générale, quand j'attaque un disque, je n'ai pas d'idées préconçues au début. Je travaille puis j'approfondis au fur et à mesure. Je regarde si ça colle entre les morceaux; que cela donne un ensemble cohérent. Je mens peut être un peu car la seule idée en tête était que je voulais reprogrammer les batteries.

 

Entre Parkets Streets (2011) et To Be a strangers (2016), il y a une poignée d'années. Tu as besoin de temps pour construire tes morceaux ? Les affiner ? Les réécouter ?

C'est ma manière préférée de travailler : prendre le temps ! Pour Parkets Streets, je n'ai pas eu beaucoup de temps car les dates de la tournée étaient déjà bookées pour l'automne, donc je n'ai eu que 4 mois pour le faire. Mais je suis fier de cet album car c'est une  autre approche pour faire de la musique. C'est un instantané d'une période de ma vie; de qui j'étais à cette époque là. Je préfère prendre le temps car j’aime écrire une chanson y retourner, revenir après une autre, etc… Entre deux écoutes, je ne  suis pas le même mec, donc je n'ai pas le même regard sur le titre. J'aime avoir les idées claires pour créer.

 

Et pourquoi autant de temps entre les deux albums ? Y aura-t-il autant de temps avec le suivant ?

J'ai fait un break de deux ans après la tournée de Parkets Streets. Enfin, un break pour General Elektriks, j'ai fait d'autres choses quand même. Mais j'étais assez fatigué, mais heureux ! Au final, il me faut 18 mois pour faire un album. J'ai déjà écris quelques chansons pour le suivant et j'espère prendre ses 18 mois pour en sortir un nouveau. Moins attendre donc !

 

Quel a été le déclic pour revenir sur ce projet ?

Le déclic est une chanson : Migration Feathers. Je souhaitais aborder ce sujet avant mon déménagement des Etats Unis vers Berlin. L'exode, la migration de masse, les mouvements migratoires me fascinent. Je pensais souvent, à San Francisco, aux Mexicains qui traversaient la frontière pour les Etats Unis. A Berlin, j'habite à côté de l'ancien Aéroport, Tempelhof, devenu un grand parc. J'ai levé la tête, et j'y ai vu un vol migratoire. Le déclic est venu de cette image là ! Et, voilà, je suis reparti.

 

L'album se nomme «To Be A Stranger », je le rappelle. Pourquoi avoir choisi ce nom ? Que signifie pour toi être un étranger ?

Alors pourquoi ce nom ? Je suis un étranger depuis 1999 quand j'ai quitté la France pour aller vivre aux Etats Unis. Puis maintenant, je suis à Berlin. A mon arrivée à Berlin, j'ai vécu plus fortement le fait d'être étranger. Faut quand même savoir qu'aux Etats Unis, c'est le pays de l'immigration. Il y a toutes les origines, toutes les cultures, et un melting pot énorme qui au final ne fait pas de toi un étranger. Je me sentais plus en phase. En Allemagne, la culture et la civilisation sont anciennes. Elle possède ses rites, sa culture. J'ai réalisé là bas que j'avais perdu un certain confort. C'est un sentiment aigre-doux : il y a une vraie liberté mêlée à une nostalgie.

 

D'où vient ce choix de vivre ailleurs ?

D'abord, je le fais avec ma femme, et c'est le principal dans de telles aventures. Pour San Francisco, on devait y vivre que deux à trois ans. Au final, on s'y est senti bien, et on est resté 12 ans. On est devenu globetrotters sans le faire exprès au final!C'est une passion de jouir de la vie de cette façon là. C'est aussi un privilège de vivre autre chose. Attention, quand on revient en France, on est hyper content, on n'est pas désabusé par quoique ce soit.

 

Pourquoi le choix de Berlin précisément ?

Berlin est une ville très cosmopolite, où il y a un réel partage entre les gens, comme dans la culture anglo-saxonne. On reconnaît là, un peu, San Francisco. L'espace est un mélange entre la nature et la culture. C'est la seule capitale européenne où on peut voir cela.

 

Et puis pour un artiste, et d'autre d'ailleurs, c'est une ville qui bouge !

Totalement, Berlin bouge énormément. Quand tu es artiste voir une ville où les choses ne sont pas terminées et qui continuent de changer et d'évoluer, c'est galvanisant. C'est plus compliqué à Paris où tout semble figé. A Berlin, tout est à construire!Et artistiquement, si dans les années 70-80, la culture alternative étaient présentes dans Berlin l'ouest, depuis 1989, Berlin a besoin de se faire voir dans le monde et donc se construit et évolue sans cesse.

 

Je t'ai amené dans Berlin pour faire un parallèle avec une de tes idoles qu'est David Bowie. Lui aussi a créé des albums à Berlin dans les années 70 dont Heroes. Mais c'est surtout pour évoquer avec toi son héritage. Comment as tu vécu sa mort en janvier dernier ?

Quand j'ai appris ça, en plus d'avoir pleuré, j'ai écouté l'album Station to station assez instinctivement. Ce fut assez surprenant, et je fus assez ému comme tout le monde. Ce qui est assez fou, c'est que tout le monde s'est rendu compte en janvier qu'il était nourri à du David Bowie. Quand Michael Jackson est mort, je me suis juste dis qu'un showman était parti. Avec Bowie, c'est celui qui a tenu le flambeau des gens différents pendant plusieurs décennies. Même sa mort a été mise en scène avec brio et le magnifique Lazarus.

 

L'autre point commun, à échelle différente quand même, c'est la musique black. La grande force de David Bowie était de s'approprier l'héritage de la musique black avec respect sans la renier. Toi aussi, tu prend comme héritage le soul ou la funk. L'important est de s'approprier les choses ?

C'est super intéressant ce que tu dis car les gens oublient ça chez Bowie. C'était un grand fan de musiques noires. Peu de gens en parlent. Souvent Bowie c'est Low, Heroes ou Ziggy. Soit la démarche Freaks ou expérimentale de ses œuvres. C'est le meilleur exemple du blanc européen qui se nourrit d'une musique sans la souiller. Il a pris des éléments , créé sa propre sauce pour rendre le meilleur hommage à cette musique en lui donnant une autre vie. Ce fut une grande inspiration pour moi à ce niveau là. Je n'ai pas son niveau quand même. Je ne veux pas être le cadre parisien, un peu bobo, qui copie la musique black. Je m'en inspire à mon niveau tout en la respectant. Surtout dans cet album. En partant de San Francisco pour Berlin, j'ai eu besoin de ça et de faire de la musique avec respect.

 

Comme je le disais précédemment, il y a toujours eu un gros travail sur la musique dans tes albums, notamment dans les arrangements. Comment penses-tu la scène avec l'album en tête ? Comment travaille-t-on une tournée ?

En studio, je ne pense pas à la scène. Sur scène, je n'y pense pas. Enfin, forcément un peu puisque tu pars d'un album, mais je tente d'y faire abstraction. Je ne respecte pas sur scène les morceaux de l'album. J'utilise les armes scéniques pour produire quelque chose d'autre. Mettre en lumière les morceaux avec l'énergie que procure la scène. Pas le même soir, pas le même lieu donc pas le même concert ! Il y a des parties contrôlées mais la plupart c'est de l’improvisation: on laisse faire l'énergie de la soirée pour produire quelque chose de nouveau. Et puis, je tourne depuis 2009 avec les mêmes quatre gars donc il y a quelque chose qui se passe.

 

C'est troublant. Tu pars d'un projet solo qui devient un projet de groupe avec un son de groupe sur scène.

Absolument ! C'est la tournée qui a créé le groupe General Elektriks. Avec ce groupe, on a fini par trouver une identité sur scène totalement différente des albums. En studio, c'est très travaillé, en live on se base sur l'énergie.  Et puis, il y a tout un visuel qu'on a créé. Car les gens viennent voir un live et pas seulement écouter de la musique.

 

Quel regard portes tu sur ton parcours avec General Elektriks depuis 1999 ?

Un regard hyper heureux. Car avant tout, ce fut un accident ! J'étais juste calviériste et je bidouillais dans mon coin. Un jour, un label est tombé sur « Tu m'intrigues » et m'a demandé un album. Sauf qu'à ce moment là, je me suis pas dis que j'allais chanter ses titres sur scène. Franchement, je n'ai pas réfléchis, ce fut un défouloire afin de rigoler. Et finalement, ça a pris naturellement. General Elektriks est un projet sans calcul, sans jamais savoir où ça irait ! Il n'y jamais eu de règle. Vu que le premier a marché, le deuxième est arrivé beaucoup plus tard. Et je suis parti sur le même principe. Et je continue ainsi. Je fais ce que je veux sans me demander ce que les gens attendent de moi. En fait, ça c est un petit mensonge, car au fond, tu y penses forcement à l'attente des gens.

 

En tout cas, il y a un véritable son General Elektriks mais toujours en mouvement !

Merci, c'est le plus beau compliment qu'on puisse faire. Je suis fier qu'il y est un son particulier à mon projet. J'ai peur de me répéter. Si ce moment arrive, alors j'arrêterais. Tant que j'ai des idées, je continue !

 

General Elektriks en concert

Mercredi 13 avril 2016 au Bikini

Réseravtions : 05 62 73 44 77 ou sur www.bleucitron.net

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