mercredi , 1 mai 2024

Interview :  Gabriel Dermidjian incarne Soeur Marie-Thérèse des Batignolles

Pour la première fois sur scène, Gabriel Dermidjian adapte la BD culte de Maëster : Sœur Marie-Thérèse des Batignolles. Rencontre.

Pas la peine de présenter Sœur Marie Thérèse des Batignolles, elle s’en charge. La mythique bonne sœur a déployé toute la force deson caractère au long de 7 albums virtuoses que vous avez forcément eus entre les mains. Ou découvert chez Fluide Glaciale. La voilà désormais sur scène sous les traits de Gabriel Dermidjian. Accompagné du créateur Maëster et de Pierre-Emmanuel Barré, il nous propose une adaptation unique dans un seul en scène vivant, vibrant, émouvant et drole.

Rencontre avec le créateur du seul en scène avant son passage au Château de la Garrigue près de Toulouse.

Comment vous sentez-vous en ce début d’aventure ?

Assez excité. On a déjà fait l’Européen et ça a super bien marché donc on est un peu détendu puisqu’on lance la machine. Elle démarre maintenant et au vu des retours, ça a l’air d’être prometteur cette histoire.

Comment est née cette envie d’adaptation ?

C’est un pari fou cette histoire. Tu peux imaginer adapter une bd au théâtre c’est très casse gueule, au cinéma pareil mais au théâtre il faut être convaincant. Tous les aficionados de la bd doivent retrouver ce qu’ils ont imaginé, c’est un pari fou et ça fait 5 ans qu’on travaille sur ce projet .

Un pari fou. Une bd c’est un visuel, c’est un langage entre les cases, il se passe quelque chose. Le théâtre c’est par essence différent. Comment arrive-t-on à faire passer le visuel de la bd sur les planches ?

On a beaucoup réfléchi, parce que moi j’ai vu des adaptations de bd qui ne fonctionnent pas . Quand tu veux recréer les cases bds, tu ne peux pas les recréer comme dans une bd, parce que ça ne se lit pas de la même façon. Les gens qui connaissent la bd par coeur, ils ont lu les cases 10 000 fois alors quand tu arrives et que tu ne fais qu’une pâle copie… ça déplait. On a travaillé par étape. On avait fait déjà une première écriture  en compilant les 6 premiers tomes : je n’étais pas convaincu. On allait droit dans le mur. Il fallait une histoire propre à la scène. On garde le personnage, les travers du personnage de Sœur Marie Thérèse  et on part à l’aventure. Seule information : il fallait qu’elle soit elle hyper convaincante dans son look. Pour le costume, un gars des FX nous a fait les prothèses de la poitrine et des fesses sculptés dans de la terre glaise, ils ont fait des moules et ils ont ensuite envoyé de la mousse dedans, enfin on a vraiment mis les moyens pour que par rapport à la bd, tout soit au centimètre près.

Quelle a été la réaction de Maëster, le papa de Sœur Marie-Thérese ?

 Ce projet là il a fallu que je rencontre Maëster il y a 5 ans. Rodrigues m’emmène chez Maëster. Il fallait le convaincre. C’est lui le créateur de sœur Marie Thérèse et c’est son bébé. Autant te dire que c’était difficile pour lui d’accepter de lâcher le personnage. Et en fait on a craqué l’un sur l’autre et c’est devenu une vraie histoire d’amitié, puisque ça fait 5 ans qu’on se côtoie régulièrement. Il n’y a pas une semaine sans qu’on s’appelle ou qu’on échange. Il suit ce projet depuis le début, et à la première qu’on a faite, il était ému tellement c’était bluffant et exactement ce qu’il attendait de voir sur scène.

Quelle était sa part dans la création du spectacle ?

Il voulait suivre tout. A chaque fois qu’on avançait dans le texte, on lui envoyait et il validait chaque phrase. Il a même rajouté des punchlines et c’est comme ça qu’on a avancé. Donc dans l’écriture on a Loïc Castiau qui est mon producteur et aussi un amoureux de bds, donc autant te dire qu’il a beaucoup écrit. Il y a Maëster et moi. La mise en scène c’est Pierre-Emmanuel Barré qui est venu lui se greffer au projet.

Qu’a apporté P-E Barré ?

 Il est redoutable en écriture. Il y avait des défauts et il les a vu de suite. Il a une clairvoyance dans la structure du texte. Il est d’une puissance phénoménale. Il nous a beaucoup apporté.

A titre personnel, ta rencontre avec Marie Thérèse c’était quand ?

Bien avant parce qu’en fait j’étais abonné à Fluide Glacial donc forcément elle est rentrée dans ma vie il y a des années en arrière et elle était là, dans le disque dur, sans que jamais je ne m’y intéresse. Je n’aurai jamais imaginé la jouer un jour. Tu peux imaginer la fierté que ça peut faire et puis aussi, l’appréhension de jouer un tel personnage parce que ça n’a jamais été fait avant ou peut être par des petites compagnies je ne sais pas. Restent les doutes : ma voix, mon look, ce que ça allait passer ? On ne sait pas. Chacun a imaginé une voix en lisant Marie Thérèse, et à la première, il y a une standing ovation, j’ai dit allelujah. J’étais tellement soulagé, c’était fabuleux.

Toujours dans l’écriture, quelle est la dose de fidélité et quelle est la dose de liberté ?

Alors la dose de liberté est totale parce que Maëster nous a fait confiance à 100 %. On a des échappées imaginées avec Loïc, des échappées qu’on a eu avec Pierre-Emmanuel. On fait du zapping comme dans la bd mais façon théâtre. Parce que les codes du théâtre ne sont pas les mêmes que pour la bd.  Pour l’écriture c’est pareil. Il y a du texte qu’on a dû changer. Pas dire les choses de la même manière parce qu’il y a des choses qui ne passeraient plus aujourd’hui. Même si tu prends des phrases de Maëster dans les bds, sur l’homosexualité par exemple, il y des choses qui pourraient choquer si tu les dis au théâtre alors qu’en bd ça passe très bien. On a donc été super vigilants sur tout ça. Ça reste corrosif mais jamais vulgaire. À aucun moment le personnage est vulgaire. Il est même tendre.  Derrière son chichon, son pinard, j’ai eu l’idée d’inventer un personnage qui n’existe dans aucune des bds, un chien imaginaire qui arrive, qui apparaît et à qui elle se confie. Et tout ça va apparaître dans l’histoire et ça va donner une sorte de profondeur à tout ce que l’on va raconter. Elle n’est pas que forte et cinglante. Il y a aussi autre chose qu’elle raconte. Et puis au fond, défendre les femmes avec ma tête de 130 kilos de garçon dans un corps de femme je trouve que c’est à un moment donné bienvenu. Il y a des choses à dénoncer et on est les premiers

Qu’as tu de Marie Thérèse ?

On se donne toujours un genre, on se donne tous une sorte de stature dans un monde où on perd un peu certaines valeurs, et cette bonne femme qui est aux abords provocante et cogneuse, j’aime sa fragilité derrière. Je suis un peu comme elle. Je pèse 130 kilos, t’as l’impression que je suis biker de base alors que je peux m’émouvoir, j’ai vu un film ridiculement pauvre de scénario qui s’appelle Hatchi, l’histoire d’un chien avec Richard Gere dedans , j’ai chialé du début à la fin. Ce que je veux dire par là c’est que je suis d’une fragilité sans nom avec mes 130 kilos. Ce que j’aime bien dire c’est que derrière chaque personne que l’on peut voir, derrière chaque regard il y a une histoire, des écorchures.

Qu’est ce que tu aimerais prendre chez elle ?

Le sans filtre. Dire les choses. On s’interdit des fois de dire les choses, simplement et alors que ça nous aiderait. À force de ne pas dire et bien les gens ne sont pas au courant de ce que l’on ressent. Et des fois, le dire ça libère tout. Même les gens en face de nous sont libérés. Elle sait dire non elle et pas moi. J’aimerais lui ressembler sur ça.

Est-il possible de voir une suite au théâtre ou sur un autre format ?

Absolument, on y pense déjà. Parce qu’au vu de l’accueil du public, même si pour le moment c’est très frais encore, je pense qu’il y aura peut-être des choses qui vont en découler. Déjà le temps que le spectacle tourne ça va prendre 3 ans, et nous pendant ces 3 ans là on va étudier et voir comment on peut développer peut-être la suite de l’histoire parce qu’il y a un projet derrière donc pourquoi pas une suite.

Que dirait Marie Thérèse pour donner envie au public de venir la voir ?

Tous simplement de venir découvrir le spectacle en général. Elle ne parlerait même pas d’elle, elle dirait sortez et venez communier avec une bonne sœur qui va vous parler d’amour. Je pense que c’est vraiment une histoire d’amour et de rencontre. L’envie de rencontrer l’autre et de bouger de chez soi. D’être curieux, d’oser et prendre le temps de sortir de la maison. C’est important. Elle, sa solitude elle la connaît comme personne, donc si elle avait un conseil à donner sœur Marie Thérèse c’est : sortez, osez et venez me voir.

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