lundi , 13 mai 2024

Interview : Eric Antoine, des rêves d’enfance à la réalité de l’illusion !

Après un Zénith complet au printemps, Eric Antoine reviendra le 2 octobre 2015 avec son spectacle Magic Delirium. Rencontre avec l'illusioniste pour évoquer le spectacle, le monde de l'enfance et le rêve.
 
Après avoir parcouru plus de 300 000 km, l’équivalent d’un voyage jusqu’à la Lune lors de sa précédente tournée « Mystéric », ERIC ANTOINE reviendra sur terre avec  « Magic Délirium », un MEGA show magicomique, encore plus spectaculaire, plus étonnant, plus fou. Retrouve son public toulousain après un spectacle complet le 6 mars, ce  2 octobre au Zénith de Toulouse. Une salle qui connait bien pour y avoir joué plusieurs fois lors du Printemps du Rire. 
 
Ce sera l'occasion de voir un artiste fou, dingue mêlant l'illusion, la magie et l'humour dans un spectacle total.  En attendant, nous avons rencontrer l'humoriste et illusioniste pour évoquer son spectacle mais au delà de ça, l'enfance, le rêve mais aussi le Printemps du Rire. Un mec en or, touchant, drôle et emouvant.
 
En regardant l'affiche du spectacle mais pas seulement, j'ai l'impression que le thème de l'enfance est important pour toi dans ce nouveau spectacle ?
C'est un thème super important. Dans le spectacle, je dis que « Quand j'étais petit, j'étais déjà grand, enfin déjà plus grand que toi » (rire) . Ce qui veut tout dire, mais concentrons nous ! Il y a une histoire de Picasso qui m'interpelle beaucoup. Il visite une école maternelle. La maitresse d 'école l'interpelle et lui dit « Maître, ce gamin dessine comme vous », il lui répond « Est ce qu'il dessinera comme moi dans 40 ans ? ». Je trouve ça très fort. Nous les artistes, nous sommes en quête de notre enfance. On avait des évidences enfant, et on passe notre vie à essayer de les retrouver. Et, finalement à désapprendre tout ce qu'on a tenté de nous inculquer entre l'enfance et la phase adulte. Donc c'est un thème très important. Il y a d'ailleurs un numéro consacré entièrement à ça et à la croyance, ou comment les enfants croient tout ce que les parents leur racontent.

D'ailleurs de quoi rêve Eric Antoine ?
Moi je rêve beaucoup beaucoup. Si tu parles des rêves comme travail de l'inconscient, j'ai des rêves d’intégration de ce que je viens de vivre, d'écriture, de spectacle, de choses comme ça…mon rêve est très connecté à ma vie éveillée. Et, sinon, sur un plan philosophique, je rêve à un monde plus optimiste. C'est l'un des thèmes qui m'interpelle le plus ; l'optimisme. C'est pas l'idée un peu béate, un peu niaise à la Miss France…C'est l'idée de l'optimiste du mec qui connaît le point de vue du pessimiste mais qui a choisi intérieurement, courageusement, le camp de l'espoir. Ce choix là est un choix conscient car il suffit d'ouvrir les yeux pour voir que le malheur, la tragédie nous entourent. Mais, je m'accroche au positif. Il faut y croire et être dans la conviction de vivre autrement. Voilà mon rêve.

Une mise en pratique dans tes spectacles ?
Oui ! Le style de spectacles que je cherche est évidemment très festif. Donc j'ai envie que les gens entrent dans ce spectacle avec une émotion, qu’ils en ressortent avec une autre. Qu'ils aient envie de se fêter les uns les autres. De vibrer. Si j'ai réussi ça, si quelques personnes se sentent plus légères ou plus heureuse, j'ai fait mon métier.

L'illusion en France est très sérieuse, il manque ce côté folie pour la rendre plus forte. C'est ce que tu voulais mettre en place ?
Pas seulement en France, en général, même si les anglosaxons sont plus délurés. Ça se prend énormément au sérieux, ça se la pète. Genre « regardez les pouvoirs que j'ai » ! Au final tu n'es plus dans l'émotion mais dans la démonstration…

Et le public cherche alors le truc…
Tout à fait..tu cherches alors le truc. Ce qui est l'inverse même de l'émotion. Comme dans un film quand tu cherches les effets spéciaux et tu n 'es plus dans l'histoire. Et, c'est dommage !

C'est pour cette raison que tu as mis de l'humour ?
C'est surtout que je ne savais pas faire autre chose (rires). Je pense que les gens ne pouvaient pas croire que je sois un bon magicien car je suis d'une maladresse monstrueuse. Le seul moyen d'être un magicien était d'être un magicien comique !

Tu commences ce nouveau spectacle dans une baignoire. Comment est venue l'idée ? Et pourquoi ?
Nu dans une baignoire. Le côté nu, j'y tiens (rires). Écoute, j'ai vu un dessin dans une BD d'une nana dans un bain où ses pieds sortaient et tournaient pour lui gratter le nez. C'est génial, c'est un tour de magie. De cette image là est né le dessin d'une illusion que j'ai complètement créée de toute pièce. Le premier défi était de savoir comment être nu dans une baignoire et humide, et en sortir sec et habillé. C'est ma première quête dans ce spectacle. Au départ, je voulais appeler ce spectacle « Eurêka » en hommage à Archimède, et parce que je passe mon temps à chercher des solutions que je ne trouve jamais (rires). Malheureusement, Eurêka était déposé par un grand groupe audiovisuel donc je n'ai pas pu.

Comment  composes-tu tes numéros ? Tu parts d'une image et tu travailles comme un enquêteur ou tu écris tes vannes et naissent ainsi les numéros ?
Les deux peuvent venir. Parfois je construis un numéro à partir d'une vanne qui m'a fait mourir de rire. Par exemple, j'avais cette phrase qui dit : « Les enfants, à chaque fois que vous faites une bêtise, il y a un ange qui attrape le SIDA ». Je trouvais que cette vanne était tellement horrible et ça me faisait marrer de dire « Mais tu dis ça aux enfants »…Je me suis dis qu'il fallait absolument placer cette phrase. Alors j'ai créé tout un numéro juste pour placer cette vanne là. Qui finalement a pris plus de puissance puisqu’il y a un enfant qui monte sur scène, qui lévite dans une voiture d'enfant et qui vole à travers la scène. On part alors dans de la poésie, quelque chose de plus joli, où on parle de « Pourquoi les enfants croient leurs parents », de la petite sourie… On évoque plein de sujets.
Parfois, il y a un thème, parfois un dessin. Et parfois, un tour donne naissance à un numéro. Par exemple, il y a dans le spectacle un tour qui s'appelle le backstage. Un vieux tour classique qui est de faire un tour d'un côté puis le refaire de dos. Les gens pensent savoir comment le tour fonctionne mais finalement ils sont bluffés. De ce classique, je me suis dis, comment moi je vais bien pouvoir écrire ça ? Quelle sera ma version ? C'est comme un standard de jazz. C'est quoi ma version ?

Il y a un autre grand numéro dans le spectacle, les prédictions technologiques. Que peux tu me dire de ce tour qui a l'air assez fou ?
Là aussi, on est dans la grande famille de la magie avec les prédictions. Pour ce numéro, j'envoie sur les réseaux sociaux une photo que les gens peuvent télécharger avant même le spectacle et ensuite, après une heure, on re-regarde la photo et on y voit que toutes les réponses qu’ils m'ont donné étaient déjà sur cette photo. C'est rigolo car il y a l'objet technologique, et ils ont la réponse entre les mains…

On dit de toi que tu es fou, hystérique, que tu peux partir en vrille à tout moment. Tu as besoin de sortir des cordes, de lâcher prise ?
Oh oui ! J'ai vraiment un humour de clown en fait ! J'ai un clown intérieur. La folie est mon moteur. Pour moi la folie est la liberté. C'est sans garde fou, oser aller là où tu n'oserais pas aller. Donc oui, c'est essentiel de péter un plomb. J'ai un soucis, c'est que j'ai trop d’énergie. Malgré le fait que je bosse comme un damné, continuellement, toujours à être sur 18 projets, le seul moment où je me sens fatigué c'est quand j’intériorise. Finalement, j'ai besoin de lâcher le lion et toutes les bêtes qui sont en moi. Je sais pas si c'est de la folie, mais j'aimerais que ce soit de la folie.

Qu'elle a été la chose la plus folle que tu aies faite d'ailleurs ?
Figures-toi que je me suis marié avec une Australienne. Une gageure de vie et d'engagement assez forte car pour moi, qui pense qu'il est essentiel d'avoir une famille, d'être un bon papa, avoir deux enfants, c’était un pari un peu dingue. Elle s'est arraché à son pays pour moi. Elle sait au final qui je suis, pour le coup. Elle connaît le coté obscur de la force.

Un coté obscur ?
Oui, forcement il y a un coté obscur. Tu sais, toutes les choses existent avec leurs opposés en même temps. Je suis aussi morne que je suis fou, je suis aussi créatif que je suis obsessionnel.

On a récemment croisé la route de Mathieu Madenian, avec qui tu as partagé le canapé rouge de Michel Drucker, il nous a demandé de te poser une question : Est-ce que chez toi tout est proportionnel ?
(Rires) Je crois que oui. Mes membres ont l'air normaux sur moi. Je ne suis pas sur que si tu mets mon pied sur celui de Mathieu, ce ne serait que très étrange. Même si je ne pense pas que Mathieu fasse allusion à mon pied. Oui, Mathieu tout est proportionnel et tu devrais le savoir (rires).

Plus sérieusement, c'est quelqu'un que tu apprécies réellement ?
Je trouve que Mathieu est l'un des meilleurs « stand upper » de France, si ce n'est le meilleur. C'est un mec qui a une écriture sur le quotidien, sur la politique, sur le fait d’actualité, avec une rapidité assez déconcertante. Et, j'aime bien son côté un peu gaucho, un peu nanar…j'aime bien le voir comme un sociologue aussi de notre quotidien. Il est beaucoup plus que ce qu'il laisse paraître.

Dans notre précédent entretien (lien), on parlait de ton ancien spectacle et de la difficulté de le quitter. As tu eu du mal à apprivoiser celui là ?
Oui tu as raison, j'ai vraiment eu du mal à quitter le précédent car on avait un processus, je le maîtrisais parfaitement et c'était mon compagnon. J'ai eu particulièrement du mal sur celui là car il était très très technique. Dans Mysteric, on était 7 en tournée, là on est 25. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans la grande illusion qui ne fonctionnent pas dans la magie de proximité comme avant. Il y a des parties de l'illusion faites par les autres. Quand je fais une partie, une autre personne fait l'autre partie. Si une partie n'est pas exactement réalisée dans le rythme, l'illusion ne fonctionne plus. C'était compliqué pour moi. Et physiquement aussi ! Cela demande un engagement plus intense. Et je peux moins partir en vrille : la structure est plus rigide et je ne pouvais, au début, moins me permettre de déborder dans mes numéros.

Tu ne pouvais pas poursuivre dans la continuité du précédent ?
Je voulais quelque chose qu'on ne voyait jamais en France. Notamment sous cette forme. Et à part moi je ne vois pas qui pouvait le réaliser. Je voulais me lancer un défi, flipper ma race, amener des trucs que je n'aurais pas pu dans un précédent spectacle.

Est-ce que tu pourrais aller plus loin ?
Dans la démesure et la grandeur, on peut toujours. Le problème essentiel dans ce genre de spectacle est un problème économique. Là, déjà, on est très juste. J'étais obligé de jouer en Zénith parce qu'on peut pas payer 26 personnes dans une petite salle et encore moins réaliser des grands tours d'illusion dans des petites scènes. Là, on est sur des équilibres financiers qui sont très fragiles. Donc, ça voudrait dire que je devrais vendre plus de places que Florence Foresti et Gad Elmaleh pour pouvoir aller plus loin. Il y a encore du boulot (rires). Mais je pense que je peux aller plus loin sur d'autres parties et puis que je reviendrais sur ce genre de spectacle plus tard. Je suis persuadé que je peux aller plus loin dans l'humour, la folie, le sens, dans les propositions..

As-tu des envies de faire autre chose que des spectacles ?
Oui ! Là, je pense beaucoup en terme de production. J'aimerais produire des artistes. Je suis parti aussi dans la direction télévisuelle en proposant des émissions sur la magie. Et puis, mon grand amour de jeunesse, d'enfance, c'est aussi le cinéma et la littérature. J'aimerais me lancer dans ses domaines. Et pas forcement dans la magie.

On revient souvent au monde de l'enfance dans cette interview, tu ne trouves pas ?
Il y a une phrase de Brel qui m'a touché et où il disait que « quand on est gamin, on veut toujours être pompier etc…mais combien le devienne ? » On oublie nos rêves d'enfance. Etre capable de se souvenir de ses rêves est une étape importante, mais décider d'y aller est encore plus fort .

Es tu un homme heureux aujourd'hui ?
Je le suis. C'est marrant car il y a quelques jours, j'ai un pote qui m'a dit « Arrête de bosser comme un taré, profite du paysage. Regarde ce que tu as accompli, et respire ». Quand je suis dans cette position là, je suis heureux. Je regarde mes enfants que je trouve magnifiques. Je trouve que j'ai beaucoup de chance. J'ai bossé comme un taré mais il y a eu un facteur chance dans ce qui m'est arrivé qui fait qu'aujourd'hui je tourne. Et, surtout, que je rêve de choses qui deviennent réelles. Ça me rend très heureux. Après, il y a beaucoup de souffrance comme chacun, des démons qui me rattrapent et que tu as du mal à gérer. Puis, j'ai un souci, c'est que j'adore travailler et j'arrive pas à m’arrêter. Un réel problème dans ma vie de famille.

Que penserais le petit Eric du grand Eric ? Et je n'évoque en rien la taille !
Je te remercie de poser la question car c'est ce que je me pose pendant le spectacle. Je me pose la question de savoir si le Eric que j'étais serait fier du Eric que je suis devenu. Je pense que je lui ferais flipper sa race mais il rigolerait bien.

Tu étais aussi fou jeune ?
Oui, il y a une nature qui ne bouge pas. Mais je pense que je me ferais bien délirer. Je regarderais le grand Eric, le grand monstre, avec des yeux éberlués en me disant « il est fou, j'adore ».

Tu auras une carte blanche au prochain Festival de Montreux. Qu'allons nous voir ?
Il y aura Michael Gregorio, Chantal Ladesou, Julien Courbet, Jeremy Ferrari, Jamel en vidéo sur Skype… C'est la deuxième carte blanche, mais toujours le même honneur. En fait, la première ne compte pas, car j'étais en pleine création de mon précédent spectacle, et c'est mon metteur en scène qui avait tout fait. Je suis arrivé, j'ai fait trois numéros et je suis reparti. Donc, cela ne compte pas ! Cette fois-ci, j'ai tout décidé.

Tu es en spectacle à Toulouse, au Zénith ce vendredi soir, que peux tu me dire sur cette ville ?
Toulouse est une ville importante pour moi pour pas mal de raisons. C'est une ville où a vécu mon papa pendant longtemps, où je suis venu gamin, où il y a le Printemps du Rire. Un festival qui m'a fait venir en premier. J'ai une histoire importante avec Toulouse, j'ai une réelle joie à y venir. Et puis, c'est un public que j'aime bien, une ville qui me ressemble assez ! Elle est assez folle, elle vit bien, elle est jeune, elle est culturelle, intellectuelle mais aussi populaire.

Tu as animé plusieurs soirées lors des précédents Printemps du Rire. Le festival risque de disparaître. Quelle sensation cela procure en toi ?
Écoute, je le soutiens comme je peux. Je fais des tweets, j'en parle à la presse comme quoi c'est important dans ma vie. Je confirme à tous que c'est quand même, dans le paysage humoriste, culturel et théâtral, le seul qui prend les jeunes talents pour les mettre dans des salles intéressantes. J’aime beaucoup les Chevaliers du Fiel, mais ce sont deux festivals différents et complémentaires. Le PTDR a un panel de talents impressionnant et ce serait une bêtise de faire mourir un tel événement.

 
Eric Antoine à Toulouse
Le 2 octobre 2015 au Zénith 
Réservations :
36 Rue du Taur 31 000 TOULOUSE
05-34-31-10-00 ou sur 

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