mardi , 3 juin 2025

Entretien avec Benoît Delépine pour les 20 ans de Groland à Toulouse !

Dans le cadre du 1er Festival International du Film Grolandais de Toulouse, qui démarre ce soir à l'ABC et à la Dynamo, nous avons pu nous entretenir avec un de ses créateurs, Benoit Delépine.

Cinéaste engagé, on lui doit des films, drôles, comme Louise-Michel (2008) et Mammuth (2010), réalisés avec son fidèle acolyte, Gustave Kervern. Tous deux sont également connus comme co-auteurs et acteurs de l'émission humoristique Groland de Canal + . Dans ce show parodique, Benoit Delépine incarne Michael Kaël, un journaliste-reporter cynique.

Histoire de patienter avant le début des festivités dans la ville rose, nous revenons avec lui sur la genèse du festival et son arrivée à Toulouse. L'occasion pour l'incorruptible Delépine de nous en dire un peu plus sur les films en compétition et sur Bertrand Blier, qui présidera cette nouvelle édition, tout en revenant, bien entendu, sur l'aventure Groland.

Après cinq éditions à Quend-Plage (2005-2009) et deux ans d'absence, le Festival International du Film Grolandais débarque à Toulouse. Qu'est-ce qui a permis cette renaissance ?
Je dirais que c'est à la fois le hasard et une demande des Grolandais eux-mêmes. Au départ, on a lancé ce festival dans une salle à Quend-Plage, petite ville balnéaire de Picardie, grâce à mon ancien directeur d'études, qui y tenait une salle de cinéma. Puis très vite, ça eu du succès. L'année suivante, il nous a fallu un chapiteau supplémentaire pour projeter plus de films, puis un 3e et un 4e, ce qui nécessitait aussi un service d'ordre énorme. Rapidement, c'est devenu un peu trop gros et trop cher surtout ! Et finalement la région Picardie a jeté l'éponge il y a deux ans. Mais nous, ça nous embêtait vraiment d'abandonner ce projet, parce ce qu'il se passait plein de choses extraordinaires dans ce festival. Ca nous avait donné l'occasion de rencontrer des cinéastes, originaux, dont les films n'avaient pas forcément beaucoup de retombées au niveau français, parce ce qu'ils étaient peu ou mal distribués.

Vous aviez l'impression de manquer à votre devoir ?
Quelque part, oui. On a aussi ressenti comme un manque. Et quand l'association A côté s'est montée à Toulouse, il y a un peu près un an maintenant, et qu'elle nous a contactés, on était ravis. Cette initiative, on la doit à Jiho, un dessinateur de presse qui fait partie de l'association, qui était venu à Quend et qui avait adoré l'ambiance de notre festival. C'est comme ça que l'association A côté a décidé de remettre ça à Toulouse. Et nous, on s'est dit "pourquoi pas", d'autant plus qu'à Toulouse, ça s'est toujours bien passé. Je pense notamment aux films qu'on a sorti avec Gustave Kervern, à chaque fois, il y a toujours eu un super acceuil. Et en sachant qu'il y avait déjà en partenaires de l'association le Cratère, l'ABC, l'ESAV plus la Cinémathèque de Toulouse, on s'est dit que ça pouvait vraiment être intéressant car ça serait moins lourd en termes de budget et que, surtout, on aurait un vrai confort de projection. Et puis, que Bertrand Blier ait accepté, que la Cinémathèque repasse un de ces films, etc., ce sont des petits éléments, mis côte à côte, qui font que l'ensemble devenait cohérent.

Justement, choisir Bertrand Blier comme Président du Grosjury, une évidence là-aussi ?
On m'avait lancé plusieurs noms comme ça et Bertrand Blier a mis tout le monde d'accord, dans le sens où c'était inespéré ! Moi, je l'ai rencontré deux fois. Une fois aux Césars pour Mammuth et il y a un an au festival Lumière à Lyon. On ne s'est pas revu depuis mais on s'est dit qu'on allait tenter et quand il a accepté, on n'en est pas revenus ! On lui a envoyé des films petit à petit, il les a trouvés de bonne qualité. On est donc très contents que ça soit lui, avec son jury, qui aient la charge de désigner le gagnant de cette année.

Y a-t-il une filiation, en quelque sorte,  entre son cinéma et celui de Groland ? D'ailleurs, qu'est-ce qui caractérise selon toi le cinéma grolandais ?
C'est compliqué de regrouper un type de cinéma. On a reçu plein de films, qui étaient parfois très bien d'ailleurs, mais qu'on n'a pas sélectionné car ils ne nous semblaient pas grolandais, c'est-à-dire dans lesquels il n'y avait aucune trace d'humour, ni d'engagement, ni même de bizarrerie ou de liberté de ton. C'est donc un peu ça notre critère de choix. Du côté de Bertrand Blier, alors là, c'est vraiment tout ce que l'on aime. Dans ses films, il y a un humour noir incroyable, une liberté de ton totale, il y a aussi un côté "anar" étonnant. Son dernier film "Le Bruit des glaçons", j'ai adoré aussi, c'est fou comme idée ! Converser avec son cancer pendant une heure et demie sans faire peur aux gens, au contraire, c'est énorme ! (rires) Après dire que son cinéma à lui est grolandais, oui et non, car lui ne le définirait pas ainsi. Mais nous on l'aime, voilà.

Est ce qu'il y a  un ou des coups de coeur parmi les films en compétition ?
Alors oui moi j'en ai, mais je ne veux pas influencer le jury. Il y en a un que j'adore particulièrement, mais je ne suis pas censé dire le nom. Mais ce que j'aime c'est qu'il soit fait avec très peu d'argent et une petite caméra. Un film d'une heure et demie avec un style totalement à part et un humour très particulier. J'ai donc mon petit favori mais je ne peux pas me permettre d'influencer car dans l'avant-dernière édition, c'était "Louise-Michel" qui avait gagné, donc j'étais emmerdé ! (rires) Même si je n'étais pas dans le jury, je pouvais être suspecté facilement (rires) Donc je préfère ne rien dire.

Outre le cinéma, le festival grolandais propose aussi une programmation musicale ainsi que des animations dans divers endroits de la ville. Gustave et toi avez toujours privilégié ce mélange des genres ?
Tous les ans, il y avait au moins un concert. Pour cette édition à Toulouse, on est vraiment contents de proposer plus de concerts mais on s'en méfie aussi un peu. Ce qui nous rassure tout de même, c'est que ce sont des concerts dans des cafés, des bars et non pas en plein air, car c'est souvent là qu'on a des débuts de soucis. Pour le choix des lieux, c'est l'association A côté qui s'en est chargée. On leur a seulement demandé "le plus loin de la Garonne s'il vous plait," afin qu'on ne soit pas dans la rubrique faits divers dès le premier soir ! (rires) Donc, ceux qui se jetteront quand même dans la Garonne, ça ne sera pas de notre faute ! (rires)

L'émission Groland fête ses 20 ans cette année. Que nous réserve la rentrée de l'émission pour cet anniversaire ?
Pas mal de changements. On s'est remis en cause parce que c'était une fin d'année présidentielle donc on est un peu comme tout le monde, on en a un peu marre de la politique. Tous les magazines et journaux qui essaient de faire des Unes sur la critique du gourvernement comme avec Sarkozy, ça ne prend pas. Ils viennent d'arriver, on ne va pas commencer à leur taper dessus. Du coup, on voulait parler un peu d'autre chose. On alors a pris la décision de s'appeler "Made in Groland" pour faire en sorte que notre pays se réindustrialise, réouvre ses usines, réinnove, recherche des solutions au chômage etc. L'objectif, c'est de faire comme les vrais pays et d'axer notre nouvelle mouture là-dessus. Faut bien regarder les génériques car ça montre bien là où on veut en venir. On a ressorti l'ancien hymne soviétique pour remettre le pays au travail ! Et pour la première fois, on fait tout nous-mêmes. C'est un des réalisateurs de l'équipe qui fait l'habillage, c'est aussi notre équipe qui a fait la déco du plateau. On décide donc d'innover et le festival de Toulouse fait partie de ce renouveau. Mais l'émission est toujours diffusée le samedi à 20h20, après l'heure de l'apéro. C'est toujours plus efficace ! (rires)

A quel moment l'équipe de Groland s'est aperçue de l'engouement autour de l'émission et des possibilités de proposer un dérivé, en dehors du petit écran  ?
Alors, il y avait l'engouement des gens mais aussi notre propre volonté. En arrivant à Paris, j'avais assisté au mariage de Coluche et Le Luron, à Montmartre. J'avais trouvé ça extraordinaire car il y avait une espèce de ferveur populaire avec un côté non prévu, complétement amateur mais c'était bon enfant. J'avais adoré ce moment. Et quand on a créé Groland, on a senti effectivement qu'il y avait beaucoup de gens qui s'y reconnaissaient. Avec Christophe Salengro, qui fait aussi du théâtre, on a vite décidé de faire des petits spectacles improvisés, dans la rue. Progressivement, on s'est jumelé avec des villes. On a notamment remonté des marches glissantes pour le festival de la BD à Angoulême, avec des membres de la compagnie du Royal de Luxe. On a aussi entarté les salauds de l'année avec les Tartesapultes, ça nous a fait marrer. Tous les ans, Christophe marie des gens pendant le Téléthon, bon que des mariages grolandais, mais on a le droit de se marier même avec son chien ! (rires) Ce sont en général des grands moments et j'espère que ça le sera à Toulouse avec la traversée de la ville par notre Président, samedi dans l'après-midi. Surtout pour les 20 ans, ça risque d'être important.

Après la sortie du "Grand Soir" en juin , vous avez d'autres projets en commun avec Gustave ?
Oui, d'ailleurs on est en train de bosser sur le prochain. On a commencé à en parler et a priori, on sait de quoi ça va traiter. On va le réaliser avec très peu de moyens, mais vraiment de façon totalement indépendante, avec notre boite qui s'appelle No Money Productions. On va, je pense, tourner ça au début de l'année prochaine avec des acteurs amateurs, pas connus du tout. On va tourner ça à l'arrachée, on verra bien ce que ça donne. Je ne préfère ne pas en dire plus. Allez, je peux lâcher un indice quand même, ça ne sera pas forcément un film drôle … !

Crédit photos : ©Xavier Lahache/CANAL+.


1er Festival International du Film Grolandais de Toulouse
Du lundi 17 au dimanche 23 septembre

Retrouvez l'émission Made in Groland
Chaque samedi, à 20h25, en clair sur Canal+

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