"Il était une fois un morceau de bois, tout ce qu’il y a de plus courant,
qu’un maître charpentier trouva un jour dans son atelier. » Ainsi commence
le célèbre conte, anticipant, par cette simple phrase, sur un destin marqué
par la matière même de son origine.

Tous les livres pour enfants contiennent une certaine dose de cruauté et de
tragédie ; dans Pinocchio, l’évidence de la situation décrite et l’existence
malheureuse du protagoniste principal se doublent d’un dessin exceptionnel
dû à sa condition originelle : une marionnette de bois miraculeusement
imprégnée de caractéristiques humaines. Sa destinée, absolument unique,
n’est pas de devenir un être humain, mais de nous montrer par le biais de sa
pathétique impossibilité à le devenir, dans sa différence même, dans sa
dimension biologique différente, le reflet de notre propre condition.

Dans sa dimension imaginaire, la vie minuscule et fragile de Pinocchio, tout
de douceurs et d’aspérités, de polychromie resplendissante et d’échardes
traîtresses, ressemble, en modèle réduit, à celle d’un solitaire chevalier
errant, qui n’est pas encore un justicier, surpris par le vaste monde, à la
recherche d’un peu d’affection et d’amitié. Aucun autre conte pour enfant ne
pourra refléter avec autant de justesse « le sadisme de notre enfance » a
dit Terenci Moix, mais aussi toute la différence d’avec le monde des adultes
– donnant ainsi à la célèbre marionnette vivante la valeur d’un paradigme.

Récupérer l’enfance à travers une nouvelle image : "Il ne lui restait rien
de son enfance excepté une série de tableaux violemment éclairés sans
profondeur de champ, ce qui, pour la plupart les rendait incompréhensibles",
affirme Orwell en parlant de Winston, le principal personnage de 1984. Voici
donc une tentative ludique tendant à restituer à l’univers de
l’approximativement intelligible une fixation toujours vivante venue de
l’enfance. Il existe d’autres textes pour enfants que j’aimerais illustrer,
mais Pinocchio était sans nul doute celui par lequel je souhaitais
commencer. Un hommage à Collodi, mais aussi une façon de restituer valeur
fondamentale et éclat à l’incertain, vague et indéchiffrable paradis de
l’enfance".

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