vendredi , 19 avril 2024

Interview  – Magyd Cherfi : « J’écris car je suis avant tout de l’écrit »

Après le succès de son roman « Ma part de Gaulois », Magyd Cherfi est de retour avec un sublime troisième album « Catégorie Reine ». Emouvant, touchant, attachant et toujours aussi juste dans les mots et les thématiques. Avant son passage au théâtre des Mazades de Toulouse ce jeudi 4 octobre, rencontre avec un artiste incroyable !

Comment se sens-t on à la veille d’un concert à Toulouse ?
Assez serein.On a beaucoup tourné avec pas de mal de dates donc on tient bien notre spectacle. On prépare de sacrés surprises. Et on sera très bon sur cette date toulousaine.

Et la date toulousaine est une date particulière pour toi ?
Oui plutôt ! Particulière car avec les gens présents à Toulouse, j’ai l’impression de les connaître tous. En tournée, on prend l’habit de l’artiste, mais à Toulouse, on se dit : ils me connaissent donc je ne peux pas faire semblant, je ne peux pas me cacher. Il y a un trac particulier. Je ne triche pas !

D’ailleurs que représente la scène pour toi ?
C’est une récréation pour moi. Je suis quelqu’un de très sérieux dans la vie en général. Et, il y a ce moment où je déconne à mort, où je me permets des choses. C’est assez jouissif. Dans la vie, j’ai conscience du monde, ce n’est vraiment pas rigolo, puis la scène me fait tout oublier pendant quelques heures.

Parlons de ton troisième album, Catégorie Reine, comment est né cet album ? A quelle période ?
Quand je finis une tournée, je pars tout naturellement sur un nouveau projet. En plus, pour celui là, ce fut plus compliqué car je n’avais plus de maison de disque, plus de sous, plus les moyens de le produire donc j’ai réalisé un Kiss Kiss Bank Bank pour que le public m’aide à produire cet album grâce au financement participatif.

Tu as sorti aussi un roman « Ma part de Gaulois ». Comment as tu travaillé l’un et l’autre ?
J’écris car je suis avant tout de l’écrit. J’écris tout le temps. Depuis quelque temps, j’écris pour des livres, puis je me consacre à un album. Là, j’ai travaillé l’un dans l’autre. Un chapitre me donnait l’idée d’une chanson. Puis un autre, une autre idée. Donc j’arrêtais le roman pour écrire une chanson.Pour moi il n’y a pas de différence si ce n’est l’art de faire court ou l’art de faire long qui influent sur les détails.

Pour toi, la chanson est un art mineur et le roman, un art majeur ?
La chanson est un art mineur car tout le monde peut écrire une chanson. C’est mineur car accessible au plus grand nombre. Un roman, c’est plus contraignant, ce qui fait de lui un art majeur comme la poésie notamment. La chanson est accessible.

Aujourd’hui, quel costume te va le mieux ? Celui de l’écrivain ou celui de l’auteur/compositeur ?
Aujourd’hui, je dirais écrivain parce que c’est ma motivation profonde. Je ne suis pas convaincu par mon chant ni par mes compositions. Dans l’écriture, je me trouve pas mal du tout, je suis plus fier de ce que je fais. Je me sens de plus en plus dans la peau d’un écrivain. Je passe aussi plus de temps dans l’écriture que dans la chanson, c’est de plus en plus difficile. Il faut de l’argent, il faut de la promo, c’est beaucoup de temps et de travail.

Que ce soit dans le roman comme dans cet album, les souvenirs sont au centre de ton œuvre. Pourquoi ?
Les souvenirs ont quelque chose de plus marrant, de plus mélancolique et s’adaptent parfaitement avec le romanesque. L’age adulte est plus ingrat, il n’y a pas toute l’inspiration que je peux trouver dans l’enfance.

L’image de la femme est au centre de ton album aussi.Quel est l’importance de la femme dans ta vie ?
La femme m’inspire. Jeune, j’étais dans le combat en tant que fils d’immigré. Je me suis rendu compte que ce combat était le même que les féministes. Elles défendaient la dignité, le respect, comme moi en tant qu’immigré. Je me suis approprié ce combat de femme comme si c’était le mien. Les thèmes me parlent toujours aujourd’hui.

Il y a une chanson magnifique dans Catégorie Reine, c’est « Tu ». Peux tu m’en parler ?
Je passe mon temps à regarder autour de moi, et il y a de nombreuses personnes issues de l’immigration. A propos de mon père, j’avais remarqué qu’il vouvoyait les gens et qu’en retour ils disaient « tu » à mon père. J’avais marqué ça quelque part. Je marque parfois des choses longtemps avant, puis un jour, il y a un déclic, il y a l’idée, et j’écris la chanson.

Et une chanson sur ta mère aussi.
Ah ma mère ! Je suis de culture méditerranéenne, donc ma mère est omniprésente dans ma vie, elle revient beaucoup dans mes chansons. C’est un thème, une source inépuisable ma mère !

Que ce soit pour les albums comme pour les romans, tu mets un sacré bout de temps entre deux projets. Pourquoi ?
Pendant longtemps, j’écrivais pour Zebda et cela me prenait beaucoup de temps car on m’en demandait toujours plus. Donc je me suis freiné un peu, pareil pour les bouquins. Et puis il faut trois ans pour faire un projet et le mener à bien. Voilà les raisons d’un si grand écart.

Les projets pour la suite ? Une adaptation pour Ma Part de Gaulois ?
Je suis très ciné aussi, et une adaptation était envisageable mais rien de précis. Ça m’a traversé l’esprit mais je fais beaucoup de choses. J’ai trois idées dans ma vie : le cinéma, la musique et l’écriture. Là je suis sur un bouquin. Les thèmes sont le rapport à l’autre, pourquoi quelqu’un est ton ami et pourquoi on arrive pas à avancer ensemble.

MAGYD CHERFI
JEUDI 4 OCTOBRE 2018 – 20h30
THÉÂTRE DES MAZADES – TOULOUSE
Réservations : www.bleucitron.net

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