
Déjà deux albums en peu de temps, Joysad s’invite dans le rapgame avec une plume acérée et vibrante. Pour son passage à Toulouse ce jeudi, rencontre avec la nouvelle étoile de la scène hip-hop française !
Repéré via le concours « 1minute2rap » sur Instagram, Joysad a fait une entrée fracassante dans le rap français, soutenu par des artistes comme Lomepal, Georgio ou Josman. Avec déjà deux opus à son actif, Espace Temps fin 2021, puis Transparent en 2022, le jeune artiste a très vite quitté la page du rappeur amateur pour intégrer la cour des grands. Jeudi soir, il sera sur la scène du Bikini avec Nes, Specy Men ou encore Prince Waly à l’occasion des Sessions Curio. Rencontre avec un artiste à part au talent certain !
Tu as débuté ta première tournée pour présenter tes deux premiers albums. Comment te sens-tu dans cette rencontre avec le public ?
Écoute, très bien ! On a déjà fait les 3 premières dates, c’était cool. C’était plaisant de voir mon public, je ne l’avais jamais vu. Je suis chaud, je suis grave chaud pour Toulouse, en plus je reçois beaucoup de messages, il va y avoir grave du monde, ça va être un bel évènement et c’est lourd aussi qu’il y ait Prince Wally et tout.
D’ailleurs, que représente la scène pour toi ?
La scène ? Je fais du rap pour ça en vrai. Depuis tout petit je kiffe ça de me mettre en avant. J’ai toujours aimé faire du théâtre, j’ai fait 10 ans de théâtre avant de faire du rap. J’ai toujours kiffé fouler les planches. ça me plait, et encore plus maintenant que je peux défendre ma musique. Puis j’aime vraiment l’aspect performance. Avant l’interview on parlait de Rock , c’est vraiment un truc qui me plait dans le Rock, c’est l’aspect performance, de tout chanter, de faire du show. C’est ça qui me plait, ce qui se perd un peu aujourd’hui dans les concerts de rap tu vois. Moi j’aime bien cet aspect vraiment direct ; la transmission d’énergie la plus sincère possible c’est le live. Je pense que vu que j’ai beaucoup de messages à faire passer avec ma musique, j’aime bien les faire passer directement à mon public.
Est-ce que tu retravailles tes morceaux pour le live ?
Ouais toujours. On enlève les leads, on chante, on ne fait pas de playback, on se la donne de fou. Donc oui je refais des mix pour chaque scène à chaque fois.
Dans cette refonte des morceaux pour la scène, as-tu été surpris par certains ?
Oui il y a des morceaux j’étais persuadé qu’ils seraient bons sur scène et même des morceaux que j’ai fait pour la scène et au final c’était vraiment mauvais en live. Pour le coup, c’est une nouvelle science que j’ai découvert l’an dernier avec mon ingé. Il n’y a rien de mieux que le live pour tester, des fois tu te fais des estimations sur un son et tu te trompes.
« 2022 a tout débloqué »
L’année 2022 a été assez intense avec deux albums coup sur coup. Comment as-tu vécu cette période ?
Je l’ai vécue un peu comme un décoinçage. Il y a eu cette période covid où j’ai sorti deux EP avant, mais quelle sale période covid ! Mon élan a été stoppé net. Tout se passait bien avant cet arrêt. J’ai dû garder le fil de ma musique et de mon projet pour ne pas abandonner. 2022 a tout débloqué. J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui se passait.
D’ailleurs, ton choix de sortir ces deux albums la même année vient du besoin de création ou de la densité de tes sons ?
Oui, je ne suis vraiment pas à court d’inspi et j’avais besoin qu’on m’entende. J’avais l’impression que ça ne suffisait vraiment pas. Je ne suis pas quelqu’un qui va faire du remplissage dans mes albums . Je sais où je vais, et j’ai vraiment beaucoup beaucoup de titres et de thèmes, donc du coup je ne me retiens vraiment pas sur la sortie des morceaux.
Donc une fois que tu as un projet qui tient la route, tu peux le sortir dans l’année il n’y a aucun problème ?
C’est ça, je réfléchis à comment je le sors, quel clip, pour quoi faire et je balance direct. Je ne perds pas de temps.
Comment se passe l’écriture ?
Ça dépend. J’ai des tracks comme Hiver, ce sont des sons que je n’ai même pas vraiment pensé au début quand je les ai fait. Puis après j’ai des sons à thème. Quand je décide de parler sur mon reuf ou sur une émotion, là je me pose avant et je gratte. Ou par exemple, j’ai une idée, et j’avance. Hier j’ai envoyé un message à une meuf que je connais qui chante super bien. Je lui ai dit « j’ai une idée, il faut qu’on fasse ci et ça mais j’ai pas de couplet », je lui ai envoyé une référence, souvent j’ai des références et puis après je gratte. J’écris tout.
Est-ce qu’il y a des thématiques qui te bloquent encore maintenant ?
Non, je suis capable de tout aborder. Vraiment. Mais je ne m’aventure pas dans les sujets que je ne maîtrise pas. Je ne vais pas faire de la branlette intellectuelle. Je ne vais pas parler ou écrire si je ne suis pas renseigné. J’ai des thèmes comme ça, ultra engagés, mais je les sors une fois qu’ils sont travaillés.

Retour en arrière. J’ai vu que tu avais commencé à écrire dès l’âge de 11 ans. Qu’est-ce qu’on écrit quand on a 11 ans ?
Franchement on n’écrit pas grand-chose. Moi j’écrivais surtout de l’amour et je suis retombé sur un poème que j’avais écrit quand j’avais genre 9 / 10 ans : j’étais chaud en vrai ! J’étais déjà là dedans, j’étais grave dans les figures de style, j’aimais trop la poésie vraiment. La poésie en elle-même, ça me plaisait de faire rimer, de faire sonner des mots ensemble. Mes maîtresses me disaient déjà que ce n’était pas des rimes. Tu sais quand par exemple la rime elle est à l’intérieur de la phrase et pas à la fin. J’étais déjà dans le rap. Mais oui, j’étais grave là-dedans. Je ne sais pas, j’ai toujours aimé ça. Faire des rimes avec facilité. Et tu sais que j’ai dû changer mon écriture, j’avais une écriture très scolaire, je ne m’en rendais pas compte mais je faisais des décasyllabes des trucs comme ça. Je ne me rendais même pas compte que mes flows étaient redondants parce que je les faisais en mode Arthur Rimbaud . C’était vraiment un gros travail à effectuer.
« Mon but c’est vraiment de sensibiliser tout le monde sur des vraies causes, et pas que les gens concernés »
Actuellement, comment analyses-tu ton évolution dans l’écriture ? Et dans quel sens va-t elle ?
Elle est dans le sens où je parle de moi tout en touchant les autres. Avant, j’écrivais beaucoup pour moi, il fut un temps où j’écrivais pour plaire à des mecs comme mon grand frère, et maintenant j’écris pour que ça me plaise et que ça plaise aux gens aussi. Je veux que le public soit sensiblisé et touché. Même quand il n’est pas concerné par la cause. J’ai sorti le son « Les masques », ça parle de violences conjugales tout ça, il y a des couples où ça se passe très bien qui écoutent le son… Mon but c’est vraiment de sensibiliser tout le monde sur des vraies causes, et pas que les gens concernés. C’est ça que j’ai changé dans mon écriture.
Une écriture personnelle pour le plus grand nombre en clair ?
Ouais j’appelle ça le « je » général. Tu vois c’est genre première personne mais tu touches tout le monde.
Quelles sont tes influences ?
J’ai été élevé avec les bases du Rap Français : IAM, NTM, Ministère Amer, Lunatic , Fonky family enfin bref, on pourrait tous les citer, et derrière après quand j’ai grandi j’ai pas kiffé la vibe du Rap en 2010 /2012 ? j’étais pas trop là-dedans. Et puis après il y a eu l’époque Nekfeu. Et Nekfeu c’est un gars qui a réussi à réunir les gars de cités et les provinciaux. Tous ces gars ont été une inspi.
C’est ce que tu veux faire toi ? Réunir les gens de province et les gens de cité ?
Ouais, je le dis dans l’album. Je dis « je veux faire du son qui rassemble, il y a bien trop de sons qui séparent ».
Ce dernier album ,j’ai l’impression qu’il est un peu plus personnel que le précédent. Il n’y a pas de featuring notamment. Pourquoi ?
Oui, au début on voulait en faire, et puis quand on voyait que ça mettait beaucoup de temps pour rien, je me suis dit que j’allais collaborer avec personne. Et j’ai bien fait, j’ai fait mon meilleur départ en termes d’écoutes.
As-tu une préférence pour cet album que le précédent?
Ouais grave, je regrette plein de trucs sur l’avant dernier.
C’est-à-dire ?
Tu sais, je me suis un peu trop permis de crash test j’ai l’impression sur le premier, alors que ça reste un album. Alors que là vraiment, sur le deuxième, je savais où j’allais et je savais que je regretterais pas.
« Pour moi c’est vraiment important d’illustrer ce que j’écris. »
Il y a les vidéos aussi. Tu fais des clips assez visuels. C’était important pour toi d’ajouter du visuel sur tes sons ?
Oui, on s’implique toujours dedans. Au départ, j’ai des tableaux en tête, que je propose aux mecs avec qui je travaille et puis après on étale le concept. Je n’ai pas le talent de réalisateur, donc j’appelle les équipes de gens qui savent faire. On parle beaucoup de couleurs, on parle de thèmes, par exemple là on a sorti « les masques » moi j’avais juste parlé de revolver, de roulette russe et de plans séquences et derrière après c’est eux qui vont trouver tout cet univers qui est magnifique dans le clip. Pour moi c’est vraiment important d’illustrer ce que j’écris.
Le fait d’avoir fait du théâtre te permet de jouer aussi. As-tu des envies d’acting ?
Grave. On attend ! On a eu des propositions mais on ne me verra pas dans « Le jour où tout a basculé » !
Si tu dois sortir un ou deux sons du dernier album ça serait quoi ? Qu’est-ce qu’on pourrait faire écouter en premier aux gens ?
Moi je propose de leur faire écouter « Lion » et je propose de leur faire écouter l’outro « Les orties ».
Quelques mots sur le titre « eh petit » . Parles mois de cette histoire de transmission !
C’est le titre le plus ouvert de l’album. C’était un truc hyper dur à écrire, parce que je devais l’écrire avec la pensée d’un mec de 21 ans. J’avais envie de faire un truc qui parlait à mes petits cousins mais aussi à mes parents Dans « eh petit », tout le monde peut se sentir concerné. Un daron qui a un gosse, un gamin qui grandit…. Et c’était le but. On a réussi un son plus ouvert, plus pop. Pourtant, tu vois, ce n’est pas celui qui marche le mieux de l’album, mais j’aime bien ce son. Après coup, j’ai eu beaucoup de mal à le placer. C’est la seule note un peu pop, éclairée, ensoleillée, c’est vraiment le son de l’album avec le plus d’espoir et j’ai mis du temps à me décider à le sortir.
Tu dis que c’est un album sombre, est–ce que tu tends vers la lumière ?
J’espère ouais. J’espère vraiment réussir à créer des projets, en fait je crois qu’on peut être dans l’émotion sans être dans la tristesse et il faut que j’arrive à faire ça. J’y arrive de plus en plus, mais je suis un gros rappeur qui se plaint en vrai et ça c’est mon problème. Je me plains de tout dans mes textes et il faudrait peut-être que j’arrête un peu par la suite.
Quelle est la suite pour Joysad ?
Ouais je vais sortir deux titres en single. Je vais prendre la température justement pendant la tournée, on va sortir plein de tracks puisqu’on tourne jusqu’en 2024. Je prépare un projet pour 2023 bien sûr, parce que j’aime pas trop traîner comme tu le sais. Actuellement, mon gros défi ,c’est d’assurer la tournée tu vois. On a fait 3 dates, ça commence tout juste, il faut qu’on soit à fond, mais on ne perd pas l’optique de sortir des sons plus ou moins ensoleillés, nous verrons.
Tu regardes les chiffres d’ailleurs ? C’est quelque chose qui te fascine ?
Ouais je suis un gros malade. Un grand malade de ça. J’ai un problème, je n’aurais jamais dû télécharger Spotify for Artists, je suis H24 dessus. Quand le samedi ou le dimanche les abonnés sont en baisse un peu, je suis en crise et tout n’est pas bien. Et j’attends que la semaine elle reparte, que les gens aillent à l’école pour m’écouter le matin tu vois.
Ça te permet de te rendre compte qu’au même moment plusieurs personnes t’écoutent dans des états différents !
Ça, ça me fait vriller, tu vois. Je vais sur Spotify, je vois 482 auditeurs par seconde c’est un truc de fou. Je me dis que c’est dingue. Jamais je n’aurais pensé ça. C’est un truc de dingue.
Infos : www.lebikini.com
Crédit : Romain Garcin et Eymeric Fouchère