mercredi , 2 avril 2025

Interview – Sébastien Tellier : « La tristesse détruit, selon moi, la lucidité »

 


Penseur, rêveur, artiste multiforme et talentueux, Sébastien Tellier sera ce soir en concert à Toulouse. Nous avons rencontré un homme heureux, lucide et excité par son travail. Rencontre. 
 
Dans la conversation comme dans la musique, Sébastien Tellier a du mal à se contenir. Chaque propos, chaque note, chaque texte, ont plus d'un sens. Avec son nouvel album, il s'est levé, est monté sur scène, emporté par son rêve. L'homme est heureux et sage loin de l'image télévisuel auquel on est habitué. Une fixette, certainement, mais ici nous sommes fans de Tellier. Alors quand l'opportunité de le rencontrer s'est présentée, on en a profité pour en savoir plus sur son album, sa tournée, ses rêves et l'Alliance Bleue. Conversation.
 
Comment te sens-tu avec le retour de la tournée après quelques mois de pause ?
Il y a pas si longtemps que j'ai repris. J'ai joué en Grèce, puis devant la Cathédrale de Reims pour m'y remettre après cette petit pause. Je suis très content. Il faut avouer que c'est la première fois que j'ai un spectacle frais ; Comme j'ai toujours 10 ans de retard sur tout le monde, je viens juste de comprendre qu'un concert ce n'est pas uniquement des notes. C'est un spectacle avant tout : de la lumière, une mise en scène autour des gens et du projet de l'Alliance Bleue. Tout un univers qui amène les gens vers un monde hors dimension. Je suis très content car c'est aussi un spectacle que j'aime profondément !
 
Comme l'album d'ailleurs ?
J'ai jamais autant assumé un album. J'ai un comportement triste, assez blasé par rapport à  ma musique. Je ne suis pas lucide en ce qui la concerne. Là , j'aime cet album. Je ne suis pas le genre de type qui écoute ses albums après coup, mais celui là , je l'ai réécouté et je me souviens qu'il m'a plu. A mon sens, j'ai atteint un niveau supérieur… Je suis enfin à  ma place, après de longues années d'errance musicale (rires).
 
Qu'allons nous découvrir sur scène ce soir au Bikini ?
En tant que client, j’attends des émotions, de l'énergie sur scène. On y retrouvera tout mes albums, mais dans un show bien construit, avec quand même une certaine liberté. Je n'ai gardé que la partie énergétique de mes albums. Il y a toujours l'émotion de la scène, quelque chose de jouissif s'€™immisce aussi. C'est un spectacle, comme un tourbillon, avec des moments de communion et d'autres plus dansants. La scène est le seul moment où je n'ai plus le contrôle. Je suis quelqu'un qui se pose toujours des questions : est ce que ci… ou est ce que ça.. Je vis comme ça. C'est comme surfer un truc géant, tu vois, tu oublies tout et tu te lances.
 

« Surfer un truc géant »

Chaque album aborde un thème différent. Comment naît cette envie là  chez toi ?
Tu sais, quand j'avais 20 ans, j'ai écrit un livre où j'y décrivais mes rêves artistiques. Les directions que je devais prendre. A l'intérieur, j'avais écris qu'il fallait que je compose un album de politique, un album sur Dieu, etc… Étant naïf de nature, je me tiens à  ce livre. Comme un enfant. Finalement, j'ai un regard enfantin que je transpose en musique. Je ne cherche plus d'idées, je suis mon livre. J'ai la chance de vivre de ma carrière, de pouvoir aborder tous les sujets plus ou moins pertinents. Le bonheur existe, et après l'avoir cherché, il m'a tendu les bras et je l'ai accepté. J'aimerais que, quand on m'écoute, on ait une vision précise de ce que je suis. J'ai un point de vue sur des sujet, je ne me laisse influencer par rien. J'aime la découverte, et j'espère que mes fans sont dans le même cas de figure que moi.
 
Parlons de ton album : comment s'est-il composé ?
J'étais parti sur un autre sujet : un truc sur la Terre. Un thème qui ne figurait pas dans mon livre ! Le destin m'avait mis à  l'écart, et je composais un album assez médiocre. C'était peut être l'album le plus médiocre qu'un artiste ait pu faire… Je me suis donc rattaché à  mon livre, tout simplement.
«  Écrire douze chansons sur la dualité »
 
ça a été difficile d'aborder la théologie ?
Plus difficile pour moi en effet. Il fallait trouver des mots grandioses et en même temps assez intimistes. Écrire douze chansons sur la dualité, c'est très long et les accords sont assez rares. Faut les chercher, les travailler et cela ne se trouve pas comme ça ! Ce sont des accords assez complexes, avec une vraie base classique. Bref, le processus a été assez long à  mettre en place, il m'a fallu un an, puis une autre année pour le studio. J'ai travaillé avec des instruments nouveaux, des sons nouveaux, des chœurs, des vrais violons… ça donne cette structure assez spéciale. Il y a une puissance assez forte qui peut gommer certaines vacuités de mon esprit. Mon secret, et je vais te le dire, c'était de faire quelque chose comme Pink Floyd : très léché, avec des millions de lectures possibles à  chaque écoute. Je veux donner plusieurs couches à  mon travail.
 
Tu proposes dans cet album de remettre l'imaginaire au centre de la société. Tu penses que ne plus rêver est un problème dans notre société ?
On vit dans une société assez dure, où tout le monde s'en fout du reste. « Faire » un rêve est primordial je crois. Il fait cette part d’imaginaire dans notre société  pour qu'elle évolue :  une balance, un équilibre entre l'imaginaire et la réalité. Rêver aide à  être heureux à  mon sens. Notre société tue l'imaginaire, le rapetisse, l' attriste. Il faut être émerveillé par les choses pour s'éveiller un peu plus. Je ne propose en rien de changer le monde, je constate qu'il faut juste croire en nos rêves. Ou encore au père Noël, aux schtroumpfs etc… Pour être équilibré surtout.
 

« La tristesse détruit, selon moi, la lucidité ».

 
Tu es heureux en somme ?
J'ai la musique dans ma vie, une passion dévorante avec laquelle je jouis plus qu'avec autre chose. Oui, je suis évidemment heureux. Je vis un vrai grand moment de bonheur, ma vie n'est pas un calvaire. Je peux maintenant prendre mon temps pour construire d'autres projets. Il faut dire que je me suis hyper endurci de mon passé et donc maintenant tout est positif. Je veux jouir jusqu'à  mourir.

Peux tu me parler de l'Alliance Bleue ?
Le but de l'Alliance bleue est de créer un parc d'attraction pour adultes. C'est en s'amusant qu'on réfléchit le mieux. La tristesse détruit, selon moi, la lucidité. Il faut donc construire ce parc pour adultes. Dans notre société, on a une illusion de liberté. Seulement une illusion. On plante des arbres mais on n'a pas le droit d'y construire une cabane ni d'y grimper. On a des voitures super puissantes mais on a pas le droit de conduire vite, ni même de l'encastrer dans un magasin. Moi je veux faire toutes ces choses là  : nager dans une fontaine d' Orangina, conduire vite… Ne plus avoir un sentiment de liberté, mais la toucher réellement. Voilà  en quoi sert l'Alliance Bleue.
 
Et où en est la création de ton parc ?
On est confronté à  la réalité. On est autour des 300 000 personnes, et même si tout le monde donnait, ce ne serait jamais suffisant. Il faudrait avoir un contrat avec une grande entreprise pour le financer. Même si l'album prochain sera différent, l'Alliance Bleue continuera, car c'est plus qu'un mot sorti pour ce dernier album, c'est un vrai mouvement dans lequel j'ai beaucoup d'espérance .
 
Quelques mots au public toulousain ?
Je veux qu'au Bikini, les gens viennent avec l'intention de faire la fête, avec dress code particulier. Je veux qu'ils s'amusent, se déshabillent sur Cochon Ville. Ça arrive très tôt dans le set, comme ça on est tous à  poil très rapidement. Nu, on se voit différemment alors Toulouse, tous à  poil ! (rire)
 
SEBASTIEN TELLIER en concert à Toulouse
Jeudi 25 Octobre 2012 au BIKINI (Ramonville) à 20h30 
Tarif : 25€ / 26€ SP
 
 
 

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